L’avenir des Voshkods
Ces trois grands projets - le programme orbital terrestre Soyouz, le projet circumlunaire L1, et l'atterrissage lunaire N1-L3 – mené par l’OKB-1 en cette année 1965 étaient loin d’être les seuls. L’OKB-1 était engagé dans de nombreux autres programmes : le satellite de communication Molniya-1, la sonde lunaire automatisée Luna, les vaisseaux spatiaux Mars et Venera, les satellites de reconnaissance militaire robotique Zenit-2 et Zenit-4, la fusée suborbitale R-5V et au moins trois missiles balistiques militaires.
Pour le programme piloté, la question était de savoir quelle suite donnée au vol spectaculaire de Voshkod 2 de Belyayev et Leonov de mars 1965. En février 1965, l’OKB-1 a publié un document sur le programme Voshkod :
Cinq cosmonautes de l'Armée de l'Air ont commencé à s'entraîner pour la première mission pilotée (Voskhod 3) début mars 1965. Sur l’insistance de Korolev, un sixième homme, le Dr Georgiy P. Katys, chef de laboratoire civil à l'Institut de télémécanique et d'automatisation de l'Académie des sciences, a été ajoutée au groupe de formation. Katys avait été l'un des principaux prétendants au poste de « scientifique » lors de la première mission Voskhod en 1964, mais il avait servi de remplaçant, suite à l'insistance de Korolev d’avoir Feoktistov sur le vol.
L’objectif du vol Voshkod 3 était de prolonger la durée d’un vol spatial piloté. L’intégralité du vol serait réalisée sur une orbite très elliptique, augmentant ainsi le record d’altitude. Voshkod 3 et 4 devaient aussi permettre de réaliser des tests de gravité artificielle en orbite, afin de lutter contre les effets de l'impesanteur sur le corps humain durant une période prolongée. La mission Voskhod 4 se concentrerait principalement sur les expériences biologiques et médicales en orbite terrestre. Au début de mars 1965, trois médecins expérimentés de l'Institut de médecine aéronautique et spatiale des forces aériennes ont préparé un vaste programme de recherche médicale pour la mission. Ce programme comprenait la réalisation d'une intervention chirurgicale dans l'espace en utilisant un lapin comme sujet de test, un programme d'expériences psychologiques, et un programme de recherche cardiovasculaire.
Les derniers Voshkod auraient des objectifs de propagandes avec la possibilité de faire voler deux femmes, dont l’une d’elle réaliserait une sortie dans l’espace. Même si Korolev était opposé à ce projet, en avril 1965, Ponomareva et Solovyeva ont commencé à s'entraîner pour la mission EVA de Voskhod 5. Solovyeva aurait l'honneur de devenir la première femme à marcher dans l'espace.
La période qui a suivi la mission Voshkod 2 a été caractérisé par le doute et l’incertitude. Les affrontements entre Korolev et le ministère de la Défense continuaient. Inquiet par une « militarisation » de l’espace par les Américains, les dirigeants de l’Armée de l’Air avaient constamment changé les missions de Voshkod. Ainsi, fin août, l’Armée souhaitait réaliser une mission sur Voshkod 4 avec uniquement des expériences militaires au lieu des recherches biologiques programmées. Le plan de l'Armée de l'Air a été finalement rejeté, mais à la fin novembre, Kamanin a retiré le scientifique Katys de l'équipage principal du Voskhod 3 parce qu'un autre cosmonaute était « beaucoup mieux préparé pour un vol de 20 jours ». Lorsqu'il a appris la nouvelle, Korolev a déclaré à Kamanin : « L'armée de l'air poursuit sa politique de retrait des cosmonautes civils des vols. C'est ainsi qu'elle s'est préparée pour le vol Voskhod-1, et c'est ainsi que cela se poursuit maintenant, je suis fatigué du comportement des militaires[1] ». Au fil des mois, le gouvernement a ajouté de la confusion en ne fixant pas de délais pour les dates des missions. Inévitablement, dans cette confusion, des retards sont apparus. Ces retards étaient principalement dus au système de survie qui avait été conçu pour prendre en charge une personne pendant maximum dix jours. Voshkod 3 devrait maintenir deux cosmonautes en orbite pendant plus de deux semaines. A cela s’ajoutait la concurrence des Américains qui en août avait repris le record d’endurance dans l’espace avec la mission Gemini V, qui avait durée près d’une semaine. Gemini VII était prévu pour décembre avec une durée de deux semaines.
En novembre 1965, Korolev a proposé d'annuler la fabrication des deux derniers engins spatiaux Voskhod (Voskhod 5 et Voskhod 6) pour se concentrer sur le programme Soyouz, qui devenait peu à peu la priorité la plus importante. Après d’âpres discussions, seul Voshkod 6 a été annulé. Les missions restantes seraient lancées en fonction des possibilités.
Lors d'une réunion de la Commission militaro-industrielle le 16 décembre 1965, le gouvernement soviétique a ajouté une condition supplémentaire au programme Voskhod : que l'OKB-1 lance deux Voskhod à temps pour le 23e Congrès du Parti communiste en mars 1966 en hommage au Parti. C'était une échéance totalement irréaliste. A la fin de l'année, les Soviétiques n'avaient accompli qu'un seul vol spatial piloté, Voskhod 2, entre-temps, les États-Unis avaient terminé cinq missions Gemini en orbite terrestre, couronnées de succès retentissants avec les rendez-vous spectaculaires de Gemini VI et Gemini VII, Frank Borman et James A. Lovell. Jr réalisant une mission record de quatorze jours.
[1] Nikolay Kamanin, Skrytiy kosmos: 1964- 1966, p. 110 ; résumé traduit par B. Hendrickx. “The Kamanin Diaries 1964- 1966”, Journal de la British Interplanetary Society, Articles