Chapitre 1 : Les précurseurs
Jusqu’au début du XXème siècle, l’idée de voyager dans l’espace est restée assez utopique, peu de personnes considérait ce voyage avec sérieux. Cyrano de Bergerac, dans Histoire comique des Etats et Empires de la Lune, avait imaginé une nacelle aux voiles poussées par la rosée. Le plus souvent, l’idée du voyage spatial reposait sur des succès littéraires comme « De la Terre à la Lune » de Jules Verne publié en 1865 ou « habitant de la planète Mars » publié par Henri de Parville la même année. L’approche scientifique restait assez superficielle. H. G. Wells en 1901 avait publié un livre intitulé « Les premiers hommes dans la Lune », roman dans lequel Bedford, un écrivain à l'âme d'aventurier, et Cavor, un savant idéaliste, parvenaient à défier la gravité et, à bord d'un engin sphérique, faisaient route vers la Lune. Au début du XXème siècle, ce rêve millénaire du voyage interplanétaire va devenir possible, grâce à l’évolution des sciences et des techniques, et à la publication des premiers essais sérieux sur les sujets du décollage et de la pesanteur. C’est en Russie, que l’on va rencontrer celui que de nombreuses personnes qualifient de père de l’astronautique.
Chapitre 2 :La chasse aux trésors (1945)
Début 1945, l’Armée rouge lance une offensive massive, 180 divisions envahissent la Pologne et la Prusse orientale. Berlin est en ligne de mire. Sur la route se trouve Peenemünde, en Poméranie-Occidentale, sur la côte baltique, berceau des V2 allemands. La priorité est de piller le plus rapidement l’ennemi vaincu. Le savoir-faire technologique développé par les scientifiques allemands suscite toutes les convoitises. Les services de renseignements soviétiques se sont rapidement aperçus que les Allemands avaient emporté tout ce qui avait de la valeur, l’espoir d’hériter facilement de la technologie allemande s’envolait. La découverte des sites a permis de se rendre compte de l’avance technologique acquise par les Nazis. En moins d’une semaine, le Comité de Défense de l’Etat, mené par l’impitoyable officier de la police secrète, Ivan Aleksandrovich Serov, a établi des plans pour essayer de coordonner les activités de l’Armée et du NKVD pour récupérer un maximum de matériel et de documentation technique. Serov avait besoin de spécialistes pour entourer les militaires dans leurs recherches.
Chapitre 3 : Nouvelle organisation (1946)
A la fin de la seconde guerre mondiale, l’Union soviétique est un pays en ruine. Le territoire est dévasté, le secteur agricole en difficulté, et la famine proche. Staline est conscient des problèmes qui se posent au sortir de la guerre. Les pertes d’abord : entre 26 et 27 millions de morts, d’immenses destruction, 30% de la richesse nationale anéantie, les voies de communication et les usines détruites ; 25 millions de personnes sont sans abris. Les problèmes intérieurs ensuite : en Ukraine et aux pays baltes, une résistance armée nationaliste, qui se manifestera jusqu’en 1950, et ne disparaîtra jamais. A ces difficultés il faut ajouter le relâchement idéologique consécutif à la guerre. Beaucoup espérait que l’après-guerre apporterait l’espoir d’un monde nouveau, plus libéral. La découverte de l’Europe occidentale et de ses avancées technologiques a marqué des millions de soldats soviétiques. Le retour au pays est compliqué et l’espoir est retombé assez vite. Les souvenirs de la période de répression terrible d’avant-guerre et les accusations de collaboration avec les « impérialistes occidentaux » étaient encore dans toutes les mémoires.
Chapitre 4 : Les premiers lancements (1947 - 1949)
Le 9 février 1946, Staline s’est adressé au public du théâtre du Bolchoï avant les élections de mars au Soviet suprême : « Quels sont les résultats de la guerre ? Notre victoire signifie tout d’abord que notre ordre social soviétique a triomphé. Deuxièmement, notre victoire signifie que notre système d'État soviétique a triomphé. Troisièmement, notre victoire signifie que les forces armées soviétiques ont triomphé [...] Les principaux objectifs du nouveau plan quinquennal [1946-1950] sont de réhabiliter les régions volées au pays, de restaurer l'industrie et l'agriculture au niveau d'avant-guerre, puis de dépasser ce niveau. Non seulement pour dépasser mais pour surpasser les réalisations de la science au-delà des frontières de notre pays [...] En ce qui concerne les projets à plus long terme, le Parti projette d'organiser un nouveau et puissant essor de l'économie nationale, qui nous permettrait d'augmenter par exemple notre production industrielle par trois par rapport à la période d'avant-guerre. [...] Ce n'est qu'à ces conditions que nous pouvons considérer que notre patrie sera garantie contre tous les accidents possibles. »
Au cours de l’été 1949, après le blocus de Berlin et la création des deux états allemands, on aurait pu s’attendre à une stabilisation du conflit Est-Ouest. Mais dès l’automne 1949, et encore plus en 1950, la tension entre les deux blocs allait de nouveau s’accentuer. Fin août, la première bombe atomique soviétique était testée avec succès, transformant à terme l’équilibre stratégique du début de la guerre froide. Le 1er octobre 1949, la victoire de Mao Tsé Toung, soutenu par Staline, sur le Kuomintang de Tchang Kaï-Chek permettait la création de la République populaire de Chine. Début 1950, l’alliance sino-soviétique confirmait l’expansion du communisme en Asie, débouchant le 25 juin 1950 sur la guerre de Corée. La Corée du Nord attaquait la Corée du Sud avec le soutien de la Chine et de l’URSS. Les craintes ressurgissaient. En Europe, l’Allemagne réarmait de peur que le même scénario se produise et que la RDA n’envahisse la RFA.
Chapitre 6 : Spoutnik (1953 - 1957)
La mort de Staline en 1953 a marqué le début d'une nouvelle ère dans l'histoire de l'État soviétique. Staline avait joué un rôle particulièrement important dans l'approbation ou l'annulation des projets de développement d'armes, les nouveaux membres du Politburo devaient relever les défis institutionnels et opérationnels du nouveau programme de missiles balistiques à longue portée. Nikita S. Khrouchtchev est devenu le chef du Parti communiste, le membre le plus puissant et le plus influent du pays. Khrouchtchev méconnaissait le fonctionnement de l'industrie de la défense. Son inexpérience, combinée à la nécessité de réorganiser une structure institutionnelle mise en place à l'époque stalinienne, semble avoir ouvert la voie à de nombreuses questions et ambiguïté dans les décisions prises pendant quatre ans. De 1953 au premier lancement de Spoutnik en 1957, cette certaine latitude dans la chaine de décision a facilité le développement et le lancement le premier satellite artificiel.
Chapitre 7 : L’espace, nouvel enjeu idéologique (1958 - 1959)
Le 4 octobre 1957 a marqué un changement dans l’Histoire. Pour la première fois, les humains ont réussi à se libérer de l'atmosphère terrestre et à envoyer un modeste produit de leur travail dans l’espace. Dans une vision plus terre à terre, le satellite soviétique a accéléré la guerre froide avec pour les Américains un risque très réel de voir l’Union Soviétique dominer l’espace, et donc par extension la Terre. Les fusées permettaient aux Soviétiques de franchir le rideau des alliances américaines et d’affirmer sa présence au-delà des océans. « Le ciel m’était toujours apparu comme amical, a noté le futur président Johnson en 1957. Il me sembla soudain lourd de menaces, et je réalisai pour la première fois que mon pays n’occupait peut-être pas la première place en toutes choses ». Grâce à cette petite sphère de métal, l’Union Soviétique venait de montrer qu’il fallait compter sur elle en tant que puissance mondiale.
Chapitre 8 : Propositions, contre-propositions et concurrence (1959 - 1960)
En 1959 et 1960, le projet de l’Objet K ne semblait pas une priorité pour l’industrie de la défense soviétique. Les financements étaient principalement concentrés sur le développement de systèmes offensifs stratégiques, principalement des missiles balistiques à longue portée. Le programme spatial soviétique, par opposition au programme de missiles soviétique, en était encore à ses balbutiements et il était méconnu des occidentaux. Un rapport de renseignement top-secret parrainé par la CIA en août 1959 note que : Il n'y a aucune preuve directe de la priorité attribuée au programme spatial soviétique. Depuis les lancements des Spoutniks, des déclarations de scientifiques soviétiques et de hauts fonctionnaires ont mentionné que les financements ont été détournés du programme de missiles. Nous pensons que l'on peut en déduire que le programme d'exploration spatiale soviétique s'est vu attribuer une très haute priorité.
Chapitre 9 : Le vol de Gagarine (1960 - 1961)
Si le programme spatial n’était qu’une composante mineure de l'effort sur les missiles balistiques, il avait pris une place de plus en plus importante. Mais au moment de sélectionner les volontaires pour les premiers voyages dans l'espace, ce sont encore une fois les forces armées qui ont piloté et alimenté le réservoir des cosmonautes potentiels. Au début de 1960, les objectifs prioritaires de l’OKB-1 étaient de lancer avec succès des ICBM 8K74 (ou R-7A) dans l'océan Pacifique pour aider Khrouchtchev lors de sa prochaine réunion avec Eisenhower sur les rives du lac Baïkal prévue en juin, d'accélérer les travaux sur le nouvel ICBM R-9 avant que Yanguel ne puisse tester son missile R-16, de préparer quelques lanceurs et engins spatiaux pour photographier à nouveau la face cachée de la Lune à la demande de Keldysh, de construire deux fusée R-7 à quatre étage permettant de lancer un vaisseau spatial vers Mars en octobre 1960.
Chapitre 10 : Aller plus loin (1962 - 1963)
Face au secret omniprésent, le fonctionnement interne du programme soviétique était aussi obscur que les secrets du cosmos. C’était comme s'il y avait une structure monolithique située dans un endroit lointain, presque mythologique, qui dirigeait un programme aux proportions gargantuesques. Dans une large mesure, ce mythe est resté une caractéristique fondamentale dans les écrits occidentaux sur l'histoire du programme spatial soviétique, un mythe créé par la barrière culturelle, les coutumes et l'histoire qui séparait l'Union soviétique du reste du monde pendant la guerre froide. Au zénith absolu de sa trajectoire en 1961, le programme spatial soviétique allait devoir faire face à un autre type de bataille entre institutions et individus. Cette bataille a irrévocablement modifié le cours du programme.