an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

En route vers Vostok

L'atterrissage en toute sécurité de Korabl-Spoutnik 5 a ouvert la voie au lancement du premier vaisseau spatial piloté. Pour Korolev et Tikhonravov, ce sera l'apogée de leur longue carrière dans les fusées, qui avait commencé trente ans auparavant avec l'équipe amateur du GIRD dans un sous-sol de Moscou. Korolev a invité certains des anciens acteurs du GIRD dans ses bureaux de Kaliningrad en mars 1961, un mois avant le premier lancement piloté prévu. C'était une réunion surprise pour les invités, ponctuée de beaucoup de souvenirs, bien qu'ils n'aient pas eu la moindre idée du travail réel de Korolev en raison de son caractère confidentiel. Vers la fin de la conversation, Korolev, parlant du travail fructueux du GIRD a ajouté « maintenant nous allons aller très loin ! » Il a emmené les invités dans un atelier de montage à proximité. Nikolay I. Yefremov, l'un des vétérans du GIRD, a décrit plus tard la découverte de l’atelier :

Quand nous sommes entrés dans l’atelier spacieux et bien éclairé, nous avons immédiatement vu notre rêve de longue date. Sergey Pavlovich [Korolev] l'a présenté, comme s'il s'agissait d'une chose vivante, une belle fusée. Sur le côté, sur un piédestal spécial, nous avons vu le cockpit du vaisseau spatial préparé pour le vol habité. C'était le vaisseau spatial "Vostok".[1]


[1] Ishlin skiy, ed. Akademik 5. P Korolev, pp. 164-65, cité par Asif A. Siddiqi dans Challenge to Apollo: The Soviet Union and The Space Race, 1945-1974.

Dimanche 1er novembre 1959, Youri Gagarine passe des tests physiques à Star City

La composition du groupe des six cosmonautes avait évolué à la fin de l’année 1960. Kartashov avait quitté l’équipe après avoir été surmené lors d'un entraînement à la centrifugeuse, et Varlamov s'était fracturé une vertèbre lors d'un accident de plongée en juillet 1960. Ils ont été remplacés par Valeri F. Bykovskiy et Grigori G. Nelyubov. La formation de ces six cosmonautes a connu un tournant important en janvier 1961. A ce moment, tous les six avaient terminé les exercices dans les simulateurs d'une durée de trois jours, ainsi qu'un entraînement de parachute et de récupération à grande échelle. Pendant deux jours à la mi-janvier, le capitaine Bykovskiy, le lieutenant Gagarine, le lieutenant Nelyubov, le capitaine Nikolayev, le capitaine Popovich et le lieutenant Titov ont passé leurs examens finaux pour évaluer leur degré de préparation. Le 17 janvier, chaque candidat a passé quarante à cinquante minutes dans un simulateur à l'Institut de recherche en vol M. M. Gromov décrivant le fonctionnement de l'engin spatial, ses instruments et les différentes phases d’une mission. Après deux journées de tests et d’examens, les résultats des candidats ont été annoncés, la commission a préconisé l'ordre suivant pour les futures missions : Gagarine, Titov, Nelyubov, Nikolayev, Bykovskiy, Popovich. Les trois meilleurs candidats étaient retenus pour la première mission.

Youry Gagarine avait vingt-six ans, il semblait clairement être le favori. Il était issu de la classe ouvrière de la région de Smolensk à l'ouest de Moscou, diplômé de l'école secondaire en 1949. Il avait passé les années suivantes dans divers instituts techniques avant de rejoindre l'école supérieure de l'armée de l'air d'Orenbourg en 1955. Jusqu'à sa sélection en tant que cosmonaute - stagiaire, il avait servi comme pilote à Zapolyarniy, au nord du cercle polaire arctique. C’était un individu sympathique et intelligent qui était apprécié de tous. Son origine entièrement russe et ouvrière était un argument important pour les dirigeants soviétiques.

Guerman Titov était âgé de vingt-cinq ans, il avait grandi dans le district de Kosikhinskiy, dans le territoire de l'Altaï, avant d'entrer à l'école supérieure de l'armée de l'air de Kacha en 1953. Après avoir obtenu son diplôme en 1957, il avait servi comme pilote dans le district de Leningrad. Titov était plus cultivé et beaucoup plus expansif que Gagarine, mais il avait un caractère rebelle. Il

avait excellé tout au long de l'année passée à l'entraînement et était un concurrent proche de Gagarine. Le dernier des trois, Grigoriy Nelyubov, âgé de vingt-six ans, était le plus jeune des trois, peut-être le plus talentueux et le plus qualifié du groupe des six. Élevé en Crimée, il était diplômé de la Haute école d’aviation Yeisk en 1957 et avait servi comme pilote de MiG-19 avec la flotte de la mer Noire. Très rapidement, il avait démontré son expertise en tant que l'un des meilleurs membres du groupe des vingt. Nelyubov était également extrêmement ouvert et individualiste. Pour Kamanin, un staliniste de la vieille école, le bilan remarquable de Nelyubov en matière d'entraînement était neutralisé par sa nature directe et critique. Il ne volera jamais et, après avoir été licencié à la suite d'un problème d'alcool, il se suicidera en 1966.

La gestion d'une mission avec équipage nécessitait de densifier les équipements de suivi et de créer un dispositif de récupération du vaisseau et de son équipage. Le réseau de stations au sol, qui comportait sept stations (Tyura-Tam, Makat, Sari-Shagan, Ieniseïsk. Iskhoup, Ïelizovo et Kliouchi), a été renforcé par six nouvelles stations (Leningrad, Simferopol, Tbilis, Kolpashevo, Ulan-Ude et Moscou). Pour pouvoir assurer le suivi et les liaisons radio lorsque le vaisseau survolerait les océans, il était prévu que des vaisseaux spécialisés, équipés de moyens de suivi et de communication soient

Guerman Titov en 1961

positionnés en différents points du globe. La première génération de navires de suivi utilisée pour la qualification des missiles intercontinentaux a été renforcée en août 1960 par les navires Dolinsk, Ilichevsk et Krasnodar. Chaque station et navire était à portée du vaisseau durant 5 à 10 minutes. Le centre de contrôle des missions se trouvait à Bolshevo dans la banlieue de Moscou dans les locaux de l'armée au NII-4. L'Armée de l'Air a fourni les moyens permettant de récupérer l'équipage et le vaisseau après son atterrissage. Le dispositif comprenait 25 avions (20 II-4s, trois Antonov 12 et deux Tupolev-95) ainsi que 10 hélicoptères. Sept équipes de parachutistes ont été chargées de retrouver rapidement le cosmonaute pour lui fournir les premiers soins si nécessaires.

La gestion d'une mission avec équipage nécessitait de densifier les équipements de suivi et de créer un dispositif de récupération du vaisseau et de son équipage. Le réseau de stations au sol, qui comportait sept stations (Tyura-Tam, Makat, Sari-Shagan, Ieniseïsk. Iskhoup, Ïelizovo et Kliouchi), a été renforcé par six nouvelles stations (Leningrad, Simferopol, Tbilis, Kolpashevo, Ulan-Ude et Moscou). Pour pouvoir assurer le suivi et les liaisons radio lorsque le vaisseau survolerait les océans, il était prévu que des vaisseaux spécialisés, équipés de moyens de suivi et de communication soient positionnés en différents points du globe. La première génération de navires de suivi utilisée pour la qualification des missiles intercontinentaux a été renforcée en août 1960 par les navires Dolinsk, Ilichevsk et Krasnodar. Chaque station et navire était à portée du vaisseau durant 5 à 10 minutes. Le centre de contrôle des missions se trouvait à Bolshevo dans la banlieue de Moscou dans les locaux de l'armée au NII-4. L'Armée de l'Air a fourni les moyens permettant de récupérer l'équipage et le vaisseau après son atterrissage. Le dispositif comprenait 25 avions (20 II-4s, trois Antonov 12 et deux Tupolev-95) ainsi que 10 hélicoptères. Sept équipes de parachutistes ont été chargées de retrouver rapidement le cosmonaute pour lui fournir les premiers soins si nécessaires.

Début mars, plusieurs concepteurs et des militaires de haut-rang ont quitté Moscou pour Leninsk, près de Tyura-Tam, pour diriger les préparatifs des deux prochaines missions automatisées. Le premier Vostok 3A était prévu pour le 9 mars et le second fin mars au plus tôt. La pression était à son comble car du côté américain, la NASA avait recommandé d'aller de l'avant avec une mission pilotée suborbitale lors de la prochaine tentative Mercury-Redstone. Heureusement pour les Russes, Wernher von Braun, sur les conseils de ses spécialistes, avait fait valoir qu'un vol Redstone automatisé supplémentaire était nécessaire avant la certification pour un lancement humain. La recommandation de von Braun a été acceptée, repoussant ainsi le premier lancement d'un astronaute du 25 avril à début mai. Korolev s’est engouffré dans cette fenêtre de tir, il a proposé au premier secrétaire Khrouchtchev que la première mission pilotée puisse être lancée fin avril pour coïncider avec les célébrations du 1er mai.

Les deux derniers tests, en mars 1961, ont été effectués sur des modèles "3KA" (4700 kg), ceux qui seraient utilisés par la suite pour les vols habités et qui étaient équipés de sièges éjectables pouvant servir lors du décollage (en cas d'explosion de la fusée) et lors du retour sur Terre (avant que la cabine ne touche le sol).

Le 9 mars, première répétition du vol habité, Korabl-Spoutnik 4 a effectué un vol d'une seule orbite, emportant la chienne Tchernouchka ainsi qu'un mannequin, surnommé Ivan Ivanovitch, lequel est revenu sur Terre à bord du siège éjectable tandis que l'animal a été récupéré dans la cabine. Malheureusement, la réussite du vol a été gâchée par l’accident mortel du cosmonaute stagiaire Bondarenko. Lors d’un exercice dans une chambre à pression, Bondarenko retira les capteurs de paramètres médicaux et frotta à l’alcool les traces de fixation, jetant négligemment le coton sur la plaque électrique du réchaud. La cellule s’embrasa aussitôt. Les médecins durent rétablir l’équilibre de pression dans le sas avant de pouvoir intervenir. Bondarenko mourut huit heures plus tard. L'accident ou même l'existence de Bondarenko n'a été révélé qu'en 1986 dans le cadre d'une série d'articles dans le journal Izvestia célébrant le vingt-cinquième anniversaire de la première mission pilotée de Vostok.

Valentin Bondarenko

Récupération du mannequin Ivan Ivanovitch, 9 mars 1961

Les préparatifs de la dernière mission test se sont poursuivis avec la tragédie de Bondarenko à l'esprit. Il y a eu un léger retard du lancement en raison d'un problème avec l'appareil de communication embarqué, mais cela s'est avéré sans importance. Les opérations de lancement ont également été brièvement interrompues en raison d'une défaillance

d'un capteur sur le troisième étage du booster, et sur ordre du concepteur en chef Kosberg, les ingénieurs ont rapidement remplacé l'unité défaillante.

Le vaisseau spatial, nommé Korabl-Sputnik 5 dans la presse soviétique, a été lancé avec succès à 08 h 54, heure de Moscou, le 25 mars, deux jours seulement après la mort de Bondarenko. Le véhicule de 4 695 kilogrammes transportait le chien Zvezdochka. La mission s’est déroulée sans incident et toutes les procédures de rentrée se sont effectuées sans problème. Comme pour plusieurs missions précédentes, la récupération des animaux et du mannequin a été retardée par le mauvais temps. L'appareil de descente et le siège éjectable se sont posés lors d'une forte tempête de neige, rendant difficile la localisation.