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Crise en Europe et au Moyen-Orient

[1] Théorie développée en 1928, par Trofim Lyssenko, prônant une technique agricole, appelée « vernalisation », qui triplerait ou quadruplerait le rendement agricole du blé en exposant les semences de ce dernier à une forte humidité et à une faible température. Souffrant de disette chronique, les Soviétiques cherchaient désespérément une solution au manque de nourriture, mais en réalité la « vernalisation » de Lyssenko ne permettait, au mieux, qu'une augmentation marginale ou sporadique des rendements agricoles. Magnifiée par la propagande soviétique, elle a fait cependant de Trofim Lyssenko une personnalité majeure de l'agriculture soviétique : il était présenté comme un paysan génial ayant inventé une technique agricole révolutionnaire.

[2] Rapport Gaither, publié en novembre 1957 et intitulé : « La dissuasion et la survie à l'ère nucléaire », rapport soumis au Conseil de sécurité nationale des États-Unis et au président américain concernant la stratégie de préparation contre la menace perçue d'une attaque nucléaire de l'Union soviétique

Les négociations sur le satellite artificiel se sont tenues dans un contexte international tendu. Le 20e congrès du PCUS en février 56 aurait pu faire espérer que la détente très relative des années 1954-1955 serait prolongée en profondeur par la déstalinisation et la libération du régime soviétique. Mais, en fait, le 20e congrès a provoqué un choc dans tout le monde communiste, avec des conséquences dramatiques en Pologne et surtout en Hongrie. Les crises de l’automne 56 qui en ont résulté, ont porté un coût considérable à la détente.

Le 20e congrès de février 1956 est resté célèbre à cause du rapport secret consacré par Khrouchtchev à Staline qu’il a prononcé dans la nuit du 24 au 25 février. Dans son discours Khrouchtchev a révélé un certain nombre de crimes commis par Staline, principalement dans le cadre de sa gestion dictatorial du parti. Le point essentiel était le problème de la « légalité dans le parti », la nécessité de revenir « aux normes léninistes », à une direction plus collégiale, de supprimer le culte de la personnalité dont Staline avait fait l’objet. C’est au nom de la déstalinisation qu’il avait pu triompher de Molotov et de Kaganovitch et les exclure du politburo lors de la crise de juin 1957. Sur le plan politique, social et culturel, la déstalinisation était une réalité : des millions de prisonniers du goulag

Rapport secret de Khrouchtchev au XXème congrès du PC, le 24 février 1956

avaient été libéré ; pendant deux ans, les intellectuels étaient plus libres, les aberrations les plus forte de Staline, comme le lyssenkisme[1], avaient été supprimées. Lors du congrès, Khrouchtchev a appelé explicitement à des échanges culturels et scientifiques internationaux pour améliorer les relations avec les Etats-Unis. Il a autorisé en 1956 la publication par Soljenitsyne d’une journée d’Ivan Denissovitch, premier livre sur le goulag. Néanmoins il faut souligner les limites de la libéralisation qui devait rester strictement contrôlée. Comme l'a rappelé un journaliste soviétique : « Le dégel et le rugissement des moteurs de fusée ont rempli cette époque d'un nouvel espoir. Le culte de la personnalité a été condamné, Soljenitsyne a été publié, les poètes et les artistes ont créé de nouvelles œuvres ». Mais cet espoir a été de courte durée, dès 1958, Khrouchtchev s’en ait pris à nouveau aux artistes qui s’écartaient des normes du « réalisme socialiste » les écrivains ont vite été remis au pas, les églises ont été persécutées comme elle ne l’avaient plus été depuis 1941.

Au 20e congrès, Khrouchtchev a proclamé une doctrine essentielle : la coexistence pacifique des systèmes sociaux différents. Il a introduit ainsi une phase stratégique nouvelles après la doctrine Jdanov d’opposition irrémédiable entre les deux camps russe et américain. Il a repris les tendances manifestées par Malenkov dès 1954, après l’avoir écarté. Un élément nouveau appuyait cette doctrine : l’atome.

Contrairement aux idées de Staline et de Lénine, la guerre n’était plus le seul moyen de développer la révolution. Le 20e congrès proclamait que la guerre n’était pas inévitable, ce qui était une rupture fondamentale avec Lénine et Staline.

Pour Khrouchtchev, la politique de Staline avait plutôt soudé le monde capitaliste, consolider en particulier les liens entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Khrouchtchev et ses partisans ont condamné dans ses moindres détails la politique suivie par Staline et Molotov, expliquant comment elle avait par exemple conduit la Turquie et l’Iran dans les bras de Washington. Implicitement, la vraie signification de la coexistence pacifique apparaissait clairement : mieux exploiter les contradictions de l’adversaire. Khrouchtchev voulait modifier en profondeur la politique extérieure soviétique en divisant les occidentaux.

On pensait que le capitalisme était en crise, l’économie américaine ne progressait à l’époque que de 2 % par an et tout le monde, même en Occident, pensait que l’URSS se développait plus vite. Les réalisations dans certains domaines nouveaux étaient évidentes que ce soit dans le nucléaire ou dans le spatial.

La crise de Suez, fin 1956, a parfaitement illustré cette volonté de diviser les Occidentaux. Initialement, Khrouchtchev, occupé par la crise hongroise, était persuadé que les Etats-Unis allaient soutenir les Français et les Anglais dans leur intervention. Puis par l’interception de différents messages et par la condamnation de l’opération par Dulles, secrétaire d’Etat d’Eisenhower, à l’ONU, il a compris que les Américains n’avaient pas été prévenu de cette intervention. C’était l’occasion de diviser les Occidentaux. Immédiatement, Khrouchtchev a persuadé le Praesidium d’envoyer des messages à Paris et à Londres les menaçant d’utiliser des frappes nucléaires. Paris et Londres ont reculé, Khrouchtchev a gagné et a compris que le bluff nucléaire permettait d’obtenir des avantages sur le plan international et que l’URSS avait obtenu un statut de superpuissance comparable aux Etats-Unis. Les conséquences de l’affaire du canal de Suez étaient importantes : La Grande-Bretagne et la France perdaient leur statut de grandes puissances. Les Etats-Unis et l’URSS prenaient pieds au Moyen-Orient et avaient substitué leur influence à celle des Franco-britanniques. Eisenhower en a tiré rapidement les conséquences : Les Occidentaux risquaient de perdre le Moyen-Orient au profit des Soviétiques, avec les conséquences géopolitiques et pétrolières que l’on connaissait. Le 5 janvier 1957, en

réaction, il a proclamé dans son discours de l’Union au Congrès la doctrine qui portera son nom : L’Amérique « accordera une assistance économique et militaire à tout pays ou groupe de pays de cette région désireux d’un bénéficier, étant entendu que cette assistance pourrait comporter l’emploi des forces armées américaines ». Le Moyen-Orient venait de rentrer dans la guerre froide.

En novembre 1957, dans une longue et décousue interview avec un journaliste américain, le dirigeant soviétique a affirmé que l'Union soviétique avait la supériorité en matière de missiles sur les États-Unis et a défié l'Amérique dans un match de « tir de missiles ». L'interview a renforcé l’opinion américaine que la nation se retrouvait effectivement dangereusement derrière les Soviétiques dans la course aux armements. Conformément à ses déclarations publiques, Khrouchtchev a utilisé un savant mélange de belligérance vantarde et d'appels à la « coexistence pacifique » avec l'Occident. Il s’est vanté de la supériorité des missiles soviétiques, affirmant que les États-Unis n'avaient pas de fusées balistiques intercontinentales ; « Si l’Amérique en avait », a ricané le dirigeant russe, « elle aurait lancé son propre spoutnik. » Il lançait alors un défi aux Américains : « Organisons un concours de fusées pacifique comme un match de tir à la carabine, et ils verront par eux-mêmes. »

La crise du canal de Suez

Rapport CIA du 6 novembre 1957 sur le nombre de missiles ICBM russes

Parlant de l'avenir des relations Est-Ouest, Khrouchtchev a déclaré que les peuples américains et soviétiques voulaient tous deux la paix. Cependant, il a annoncé que l'Union soviétique ne déclencherait jamais une guerre, mais que « certains fous » pourraient provoquer un conflit. En particulier, il a noté que le secrétaire d'État John Foster Dulles avait créé « une psychose de guerre artificielle ». En cas de guerre, « elle serait menée sur le continent américain, qui peut être atteint par nos fusées ». Les forces de l'OTAN en Europe seraient également dévastées et l'Europe « pourrait devenir un véritable cimetière ». Alors que l'Union soviétique « souffrirait énormément », les forces communistes finiraient par détruire le capitalisme.

Les remarques de Khrouchtchev sont intervenues quelques jours seulement après la fuite du rapport Gaither[2] dans la presse américaine. Le rapport soutenait de nombreuses affirmations du dirigeant russe, accusant les États-Unis de prendre beaucoup de retard sur les Soviétiques dans la course aux armements. Les détracteurs de la politique étrangère du président Dwight D. Eisenhower, en particulier du Parti démocrate, sont passés à l'attaque. Le débat public concernant le prétendu « écart de missiles » (missile gap) entre les arsenaux de missiles américains et soviétiques s'est poursuivi au début des années 1960 et a été l’un des thèmes majeurs lors de la campagne présidentielle de 1960 entre Richard Nixon et John F. Kennedy.

Le poids du nucléaire, en tant qu’arme de dissuasion, était crucial. L’URSS disposait de l’arme, mais il fallait détenir des moyens de la transporter, pour renforcer sa puissance. A la différence des Américains, les soviétiques avaient quasiment fait l’impasse sur l’aviation stratégique à longue portée, se contentant d’une flotte de bombardiers intercontinentaux réduites, avec peu de possibilité d’atteindre le continent américain. Il fallait donc accélérer les travaux sur l’ICBM. La pression était immense.