an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Evolution de l'équation stratégique

Dès 1955, Khrouchtchev a tiré immédiatement toutes les conséquences du développement des armes nucléaires : il a réduit les forces conventionnelles de 5,7 à 3,6 millions d’hommes, dès 1956 à l’occasion de la crise de Suez, il a commencé à pratiquer une diplomatie nucléaire énergique et n’a pas hésité à recourir fréquemment à la menace de l’emploi de ses nouveaux armements. En décembre 59, il a donné une impulsion à la création d’une nouvelle arme, les fusées stratégiques, au détriment des forces terrestres, aériennes et maritimes traditionnels. En janvier 1960, il a prononcé un discours important sur les questions militaires en déclarant que la prochaine guerre serait une guerre de fusées nucléaires et que l’URSS résisterait mieux, grâce à l’étendue de son territoire, à la dispersion de sa population, à son organisation socialiste. Une telle guerre marquerait la fin du capitalisme.

Incontestablement, Khrouchtchev a donné la priorité aux armes nucléaires et balistiques. En réalité cette stratégie agressive reposait sur un énorme bluff : en 1962, Moscou ne disposait que de quatre fusées intercontinentales en batterie, au moment de la crise de Cuba. En 1958, les États-Unis

La Spoutnik mania

Grâce au succès du premier missile intercontinental en juillet 1957 et à Spoutnik, l’URSS semblait démontrer qu’elle détenait désormais l’avantage stratégique, et que son système dans le domaine scientifique et technique était meilleur que celui des Américains. La propagande soviétique a utilisé au maximum ces éléments, et l’opinion publique, et même une certaine élite occidentale, a été durablement impressionnée. Ces réussites balistiques et spatiales masquaient le retard économique et technique de l’URSS, les occidentaux n’en prenant réellement conscience qu’au début des années 1980.

Khrouchtchev a immédiatement compris les conséquences de ce bouleversement stratégique. Il était conscient que l’apparition de l’arme nucléaire dans les questions militaires était une véritable évolution, il a rencontré régulièrement les physiciens responsables du programme nucléaire soviétique, il était très sensible au fait que les progrès nucléaires et stratégique soviétique rabattraient le complexe de supériorité des Américains et prouveraient la supériorité du communisme. On a même parlé dans son cas de « romantisme nucléaire » : les nouvelles armes permettront de tailler dans les armements conventionnels, de réduire les dépenses militaires et de dégager des moyens

pour accélérer la construction du communisme. A terme on pourrait imaginer, une fois la supériorité soviétique établie, un désarmement mondial en rendant possible une paix universelle sur les bases dictées par l’URSS. Il était convaincu que les armes nucléaires simplifieraient la guerre froide : la relation essentielle était désormais la relation soviéto-américaine, les rapports entre les deux grandes puissances nucléaires, le reste était devenu secondaire.

possédaient 2 600 têtes nucléaires, les soviétiques 200. D’ailleurs, c’est dès 1961 et en 1963, que Moscou a décidé d’aller plus loin. C’était le début du grand programme de construction balistique, qui a permis de rattraper quantitativement les Américains en 1969 mais, en 1960, on croyait en Occident à l’égalité ou même à une supériorité stratégique soviétique imminente. Le bouclier antimissile nucléaire allait devenir la base de la sécurité de l'Union soviétique.