Fin de route pour les Allemands
d'autres mélanges. Pour le contrôle du roulis, les Allemands ont introduit l'idée d'utiliser les gaz d'échappement des turbopompes détournés par une buse pouvant être pivotée. Un schéma similaire a en fait été utilisé dans les années 1950 sur le missile américain Jupiter par l'équipe de von Braun. Le 1er octobre 1949, Ustinov a envoyé le directeur du NII-88, le major général Gonor, l'ingénieur en chef Pobedonostsev et le concepteur en chef Korolev à Gorodomlya pour prendre connaissance de l’avancement du projet. C'est une des rares interactions entre ces derniers et les Allemands, et probablement la dernière visite de Korolev sur l'île. Les Soviétiques sont revenus à Kaliningrad avec les travaux de l'équipe allemande ; les Allemands n'ont reçu aucune explication et n'ont plus jamais entendu parler de ce projet.
En avril 1950, le ministère de l’Armements a décidé officiellement de mettre fin aux travaux sur les missiles à longue portée de la branche n°1 de Gorodomlya. Dès le 1er août 1950, le gouvernement soviétique a commencé à rapatrier des Allemands vers la République démocratique allemande. Un groupe de plusieurs centaines d’ingénieurs a quitté Gorodomlya pour retourner dans leur patrie en trois vagues, de décembre 1951 à juin 1952. Gröttrup, a été un des derniers à partir et a reçu l'autorisation de quitter l'Union soviétique le 22 novembre 1953. Il est retourné d'abord en Allemagne de l'Est, puis finalement en Allemagne de l'Ouest. Interrogé de manière approfondie par les services de renseignement américains à Hambourg, il s’est vu offrir une chance de déménager aux États-Unis pour travailler sur le programme de missiles balistiques de l'armée, mais sa femme a refusé de quitter à nouveau l'Allemagne. Gröttrup est resté en Allemagne jusqu'à sa mort d'un cancer en 1980[1] . La présence pendant quasiment huit années et l’implication des ingénieurs allemands ont été des facteurs importants dans le développement des fusées soviétiques. L'expertise allemande a été inestimable en 1945 et 1946 dans la mise en place et la restauration de la production de l’A-4 sous la forme du R-1. Sans l'aide des Allemands, les Soviétiques, et en particulier le NII-88, auraient clairement pris du retard dans ses efforts.
Contrairement au rôle des Allemands aux États-Unis, les Allemands de l'Union soviétique n'ont jamais participé au programme principal. En fait, après la restauration de la production de l’A-4 et l’abandon du G-1, ils ont travaillé de manière totalement indépendante et sans grande influence sur les plans soviétiques. Pas un seul des missiles allemands conçus entre 1947 et 1950 n'a été construit. Les Allemands ont essentiellement joué un rôle périphérique, proposant un certain nombre d'innovations techniques importantes dont quelques-unes seulement ont été adoptés par les Soviétiques. Il n'y a jamais eu d'efforts concertés pour utiliser au maximum l'équipe de Gröttrup. Les scientifiques allemands ont apporté une contribution très précieuse au programme des missiles soviétiques. Ce programme aurait pu se dérouler sans l’aide leur aide, mais il aurait été beaucoup moins rapide.
[1] Irmgardt Gröttrup, Die Besessenen und die Mächtigen im Schatten der roten Rakete [Les possédés et les puissants à l'ombre de la fusée rouge] (Stuttgart : Steingrüben Verlag, 1958).


Projet de missile G-4 de Gröttrup
L’abandon du projet sur les missiles G-1 avait réduit les espoirs des Allemands de Gorodomlya. La fin des travaux sur le G-1 a été suivie de travaux sur le missile G-2 (ou R-12) plus performant. Les Allemands ont conçu un propulseur qui incorporait une variante du système de grappes de moteurs, dans lequel trois moteurs se déclenchaient au décollage et deux des moteurs étaient largués en vol. La poussée totale de lancement du missile était de 100 tonnes, obtenue en utilisant les moteurs du missile abandonné G-1. De plus, les Allemands ont introduit un moyen de réguler la poussée totale en utilisant un groupe périphérique de trois moteurs à la base de la fusée. Un concept similaire sera utilisé plus tard dans le propulseur lunaire soviétique N1 dans les années 1960. Malgré les progrès techniques, les travaux sur le G-2 ont été interrompus en 1949. Le 4 avril 1949, le ministre de l’Armement Ustinov a visité personnellement l'installation de Gorodomlya et a proposé aux ingénieurs allemands de leur confier la même mission qu’à Korolev, concevoir un missile capable de transporter une ogive de trois tonnes sur une distance de 3.000 kilomètres. Dimitry Ustinov cherchait à avoir un deuxième avis et mettre en concurrence Korolev, les deux hommes n’étant pas en accord sur tous les sujets. Ustinov a donné 3 mois aux experts allemands pour proposer un projet dénommé G-4 (ou R-14) ayant le même but : transporter une ogive de trois tonnes. Ce nouveau projet a redynamisé le groupe.
Le G-4 proposé était une fusée à un étage, en forme de cône, de vingt-cinq mètres de long avec un seul moteur de 100 tonnes. La différence majeure avec le R-3 était l'utilisation par le G-4 de la combinaison traditionnelle d'oxygène liquide et d'alcool, une combinaison que les Allemands, tant en Union soviétique qu'aux États-Unis, ont privilégié par rapport à