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Le projet de bombardier Antipodal

Bombardier Antipodal - 1 Cockpit pressurisé - 2 Réservoir oxygène - 3 Réservoir fuel - 4 Chambre de combustion haute pression de 100 tonnes de poussée - 5 Chambre des fusées auxiliaires - 6 Ailes en forme d'oiseau - 7 Train de roulement rétractable - 8 Compartiment des bombes

Après-guerre, les dirigeants soviétiques étaient plus préoccupés par le développement de l’arme nucléaire que par le moyen de la transporter. Le choix du système de livraison de l’ogive n’était pas encore arrêté. Les dirigeants du Parti communiste soviétique et Staline en particulier, restaient très intéressé par le projet d’avion de Sanger-Bredt. Keldysh, dès sa nomination au NII-1, a commencé des études sur le bombardier.

En avril 1947, il a exposé pour la première fois les exigences techniques et industrielles nécessaires pour créer un tel avion. Il devait être propulsé par un moteur-fusée à oxygène liquide-kérosène de 120 tonnes de poussée et par deux énormes statoréacteurs placés en bout d’ailes qui devaient lui permettre de voler à Mach 5. Comme le Silverbird, l’engin devait être lancé sur une rampe avec un chariot équipé de six moteurs fusées de 100 tonnes de poussée.

Dès la mi-avril, plusieurs hauts fonctionnaires, y compris des représentants de l'armée de l'air soviétique, du ministère de l'industrie aéronautique et du ministère de l'armement, ont commencé à discuter du projet avec Staline. Une première réunion a eu lieu le 14 avril au Kremlin en présence de Malenkov, de Nikolai A. Voznesensky, le planificateur économique responsable du GOSPLAN, du maréchal de l'air Konstantin A. Vershinin, du lieutenant général Timofey F. Kutsevalov (qui a servi à Berlin en tant que chef du département de l'armée de l'air soviétique), du ministre de l'armement

Dmitry F. Ustinov, des concepteurs d'avions Artem I. Mikoyan et Alexander S. Yakovlev. Kutsevalov a affirmé que l'Union soviétique pourrait produire le bombardier-fusée dès 1949.Tokaty-Tokaev qui avait été envoyé en Allemagne pour étudier le sujet a recommandé un programme prolongé de recherche technologique. Cette première réunion a été suivie le lendemain d'une session conjointe du Conseil des ministres et du Politburo du Parti communiste à laquelle Staline a assisté. Etaient également présents le ministre des Affaires étrangères Viacheslav M. Molotov, le vice-premier ministre Anastas I. Mikoyan, spécialiste du commerce extérieur ; le secrétaire du Parti communiste Andrei A. Jdanov, en charge des questions idéologiques, le ministre de l'Intérieur Lavrenty P. Bérya et son adjoint, le colonel général Ivan A. Serov, le chef de l'agence de planification GOSPLAN, Nikolai A. Voznesensky ; et le maréchal Kliment Ye. Vorochilov. Il semble y avoir eu des tentatives prudentes pour avertir le dirigeant soviétique des difficultés de réalisations vus les moyens dont disposait l’Union Soviétique. Ces mises en garde ne semblent pas avoir fait évoluer l’avis de Staline. Lors de cette réunion du 14 avril, Korolev est venu au Kremlin présenté ses projets de missile, nous y reviendrons ultérieurement. Staline s’est montré particulièrement intéressé par le sujet du bombardier Sanger. Par un décret secret du Conseil des ministres du 17 avril 1947, une commission a été créée sous les ordres du colonel général Serov, premier vice-président de l'appareil de sécurité de l'État, pour enquêter sérieusement sur le programme.

Malgré l’enthousiasme de Staline, les scientifiques soviétiques pensaient que le projet ne pourrait se concrétiser rapidement. Sous la pression gouvernementale, Keldysh a publié un long rapport intitulé « Sur les centrales électriques pour un avion à grande vitesse stratosphérique », décrivant le véhicule. Cet appareil de 100 tonnes devait, pour pouvoir accélérer à 500m/s, utiliser un booster le long d'un rail de 3 km. Ce booster qui utilisait cinq ou six moteur-fusée RKDS-100, développant une poussée de 600 tonnes, se séparait du premier étage après 11 secondes. Après la séparation, l'avion devait grimper à une altitude de 20 km à environ Mach 3, grâce à son moteur-fusée principal RKDS-100 et à ses deux statoréacteurs secondaires. Le moteur principal devait continuer à fonctionner après la désintégration des deux réacteurs en haute altitude, et ainsi procurer une poussée de 100 tonnes pendant 285 secondes, utilisant pour cela des comburants LOX/Kérosène. Le bombardier serait piloté par un seul homme. La recherche sur le projet a commencé en 1947 sous la direction de Keldysh. En même temps, le NII-1 a réquisitionné plusieurs de ses départements pour développer le moteur de fusée à kérosène-oxygène liquide pour la catapulte et le bombardier lui-même. Leonid S. Dushkin, un ingénieur qui avait été associé de Korolev dans les années 1930, a été nommé pour diriger une équipe chargée de développer le moteur principal, désigné le RD KS-100. Le moteur le plus puissant existant à l’époque en Russie avait une poussé de vingt-cinq tonnes, le RD KS-100 devait développer une poussée de 600 tonnes ! La recherche sur les deux statoréacteurs géants a été confiée à l'Institut central pour la construction de moteurs d'aviation à Moscou, certainement l’institution qui possédait l'expérience la plus importante de l'Union soviétique pour la conception de tels moteurs. Staline portait un tel intérêt à ce projet qu’il a envoyé Grigoriy A. Tokaty-Tokayev, en 1948 pour rencontrer le Dr Sanger, qui vivait à l'époque en France. Malheureusement pour le dirigeant soviétique, Tokaty-Tokayev en a profité pour faire défection vers l'Ouest, informant les alliés de l’intérêt que la Russie portait à l’avion antipodal.