an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Conception du R-1 et premières difficultés

production industrielle et l’élaboration de nouveau processus étaient indispensables. Cette transformation demanderait beaucoup plus de temps que les plans et les calendriers ne l'avaient prévu. Mais les ingénieurs ne disposaient pas de ce temps. Les essais de conception en vol de la série de missiles R-1 devaient commencer en septembre 1948.

Sur le champ de tir, Korolev s’imposait comme le leader idéologique et technique, chaque année son autorité grandissait. Mais chaque fois qu’il revenait au NII-88, il perdait son statut de chef de file contrairement à Glushko, Ryazanskiy, Barmin, Kuznetsov et d'autres concepteurs en chef qui restaient les responsables de leurs organisations. Cette situation déprimait Korolev et ses adjoints, en particulier Mishin. Korolev a commencé une lutte interne au NII-88 pour obtenir une plus grande autonomie. Tous ses collègues de l'Institut Nordhausen et les personnes arrivant de l'industrie aéronautique le soutenaient dans cette démarche. Ustinov a compris l'absurdité de la structure NII-88, mais n'a pas immédiatement opté pour une réorganisation interne. Le paradoxe était que le ministre lui-même ne pouvait pas résoudre ce problème sans l’assentiment du tout-puissant bureau du département de défense du Comité central, le VKP dirigé par Ivan Serbin, qui était le patron d’Ustinov.

R1 et A-4 (V2)

Lors de son retour en Union Soviétique en février 1947, Korolev et son équipe avaient ramené une masse d’information très importante, treize volumes rédigés par les ingénieurs de l’OTK, intitulé « Collection de données pour l'étude de la technologie réactive capturée ». L’étude faisait part des réalisations significatives réalisées par les équipes de Peenemünde, mais aussi des limites de l’A-4, notamment au niveau du châssis du missile, de la conception des réservoirs de propergol et de la capacité de l’ogive. Malgré ces lacunes, les dirigeants soviétiques avaient souhaité réaliser au plus vite un lancement du R-1 pour familiariser l’industrie russes au processus de fabrication d’un missile balistique à longue portée. Korolev travaillait déjà sur une version plus puissante, le R-2 basée sur les travaux de Mishin et Budnik en Allemagne. Le 1er janvier 1947, Korolev a écrit au gouvernement pour demander l’autorisation de commencer immédiatement les travaux sur le R-2, mais il a reçu une fin de non-recevoir, le gouvernement avait une vision conservatrice axée sur le R-1. Korolev a prévenu le Comité que la conception du R-1 sur le sol soviétique ne serait pas simple. Il a indiqué que pour «la création du missile R-1 en Russie, il n’était pas simple de copier la technologie allemande et de remplacer les matériaux allemands par des matériaux soviétiques ». En d’autres termes, il souhaitait

avertir les dirigeants soviétiques que la création d’un tel missile nécessiterait le développement d’une industrie et d’une infrastructure plus puissante. Cette lettre incitait à créer un calendrier précis en commençant par le lancement de A-4, puis par le lancement de R-1. Elle rappelait aussi la nécessité de créer un site de lancement pour les A-4 et R-1.

Le missile R-1 avait des caractéristiques techniques et des performances pratiquement identiques à celles de l’A-4. Il était constitué d'un étage unique, propulsé par un moteur à ergols liquides RD-100. La partie haute n'était pas séparable, et c'était donc le missile entier qui frappait sa cible, avec une portée maximale de 270km. Il atteignait alors une altitude maximale de 80km, et une vitesse de 1400m/s. A ce moment, le moteur était mis hors service et la fusée poursuivait son vol selon une trajectoire balistique. Au moment d'atteindre la cible, il avait une vitesse de 850 à 900m/s. La fusée R-1 était équipée d'un unique moteur RD-100 développé par l'OKB-456 de Valentin Glushko. Il utilisait l'oxygène liquide comme comburant, et une solution à 75% d'éthanol comme carburant. Il s'agissait d'une copie conforme du moteur de l’A-4 allemand, produit avec des matériaux soviétiques. La réalisation du R-1, pilotée par Korolev, bénéficiait de l’aide de l’ensemble des instituts de l’époque ainsi que des experts allemands de l'île de Gorodomlya qui avaient construit un simulateur de trajectoire utilisé au NII-88.

Chambre à combustion de l'A-4 (V2)

Les premiers problèmes sont apparus dès la phase de conception et de préparation de la documentation technique pour la production. Le NII-88 dépendait de l’Artillerie et la délivrance de la documentation technique devait répondre aux exigences de ce secteur. Les instructions du secteur de l’artillerie s’inspiraient des documentations techniques militaires de la guerre et étaient adaptés à une production d'armements en masse. Selon ce système, la documentation apparaissant dans les magasins de n'importe quelle usine, dans n'importe quelle région du pays, devait permettre la production et la sortie du produit sans l'aide et la participation des concepteurs qui avaient élaboré cette documentation. Dans l'industrie aéronautique, les ajustements à la marge et les légers écarts par rapport aux plans qui n'affectaient pas les exigences tactiques et techniques générales étaient considérés comme normaux, en particulier lors de l'adaptation des tuyauteries, des câbles, etc. Les artilleurs ne permettaient pas ces dérogations et ces ajustements. La situation exigeait non seulement un nouvel état d'esprit des deux côtés, mais aussi la recherche judicieuse de compromis lorsque des conflits quotidiens surgissaient au cours du processus de production. Korolev s’est opposé rapidement à Tritko en voulant introduire une approche de production aéronautique, basée sur du sur-mesure, au NII-88. Le cloisonnement entre l’Armée de l’Air et l’Artillerie était étanche. Dès le début des travaux sur le missile R-1, en plus de ces conflits essentiellement formalistes, de graves problèmes de fabrication sont également apparus.

Yvan Serbin, ministre de la Défense

En 1947, l'industrie soviétique était incapable de fournir les nuances d’acier utilisées par les Allemands. Les matériaux les plus difficiles à trouver étaient les caoutchoucs, les joints, les matériaux d’isolation, le plastique. Si le niveau scientifique était élevé, la culture industrielle générale n'était pas à la hauteur des tâches. L’amélioration de la