an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Les cosmonautes, ambassadeurs du communisme

Comme nous l’avons évoqué, les médias soviétiques ont façonné l’image des cosmonautes. Les magazines illustrés présentaient toujours les mêmes types de photographies pour chaque nouveau héros : le héros regardant sa photographie sur la première page de la Pravda ; le héros s'adressant au téléphone aux dirigeants soviétiques, les héros informant du vol réussi et remerciant les dirigeants pour l’aide reçu du Parti ; le héros dans l'enfance; le héros à l'entraînement, se préparant au vol; le héros entouré de ses amis, pêchant ou jouant aux échecs ; le héros parmi la famille, embrassant les enfants. En montrant les cosmonautes dans des situations de vie quotidienne, les photographies soulignaient que ces actes héroïques étaient accomplis par des Soviétiques ordinaires. Les cosmonautes n'étaient pas des surhommes ; ils symbolisaient le progrès de tout le peuple soviétique vers le « nouvel homme soviétique ».

Alexeï Leonov, Charles Conrad, Gordon Cooper et Pavel Belyayev au XVIème congrès international d'astronautique en 1965

Symbole vivant, les cosmonautes devaient se conformer 24 heures sur 24 à un ensemble de règles rigides dès qu’ils quittaient le centre de formation. Ils devaient s'abstenir de boire de l'alcool et se coucher à 23 heures, même s'ils étaient en vacances. Les voyages privés étaient souvent interdits. L'apparence des cosmonautes était également devenue l'objet d'une réglementation stricte. La question de savoir si Terechkova, la première femme dans l'espace, serait habillée en uniforme ou en civil sur sa photo officielle avait été discutée par le Comité central du Parti. Les règles de comportement lors des voyages à l'étranger étaient beaucoup plus strictes qu'à l'intérieur du pays, car tout incident serait immédiatement rendu public et beaucoup plus difficile à maîtriser. Lors de tous les voyages à l'étranger, les cosmonautes étaient accompagnés d’agents du KGB. Ces « gardiens » étaient à l'affût de toute « provocation idéologique », comme une tentative de photographier un cosmonaute avec une bouteille de Coca-Cola en arrière-plan. Pour chaque voyage, le Comité central du Parti a publié des directives de comportement spécifiques et sujets de discussion pour les cosmonautes. Par exemple, lorsque les cosmonautes Pavel Belyayev et Aleksei Leonov ont été envoyés à un Congrès international d'astronautique, Kamanin leur a demandé d'agir envers les astronautes américains "d'une manière amicale, mais sans éloges" et de maintenir les relations avec

Wernher von Braun de façon "poli mais strictement officiel". Lorsque les médias étrangers ont rapporté que Gagarine avait reçu une voiture de sport en cadeau lors de son voyage en France, le secrétaire du parti pour l'idéologie, Mikhail Suslov, s'est inquiété et a conseillé aux cosmonautes d'être « prudents » avant d'accepter des cadeaux des mains des capitalistes.

La bise de Gina Lollobrigida à Gagarine, au festival du cinéma de Moscou

Préparés par les dirigeants politiques soviétiques pour servir d'icônes idéologiques du communisme, les cosmonautes ont fait le tour du monde, diffusant le message de paix mondiale, de coopération dans l'espace et de soutien à la cause communiste. Dans les douze mois qui ont suivi sa mission spatiale, Gagarine s'est rendu à Prague, Sofia, Helsinki, Londres, Varsovie, Keflavik, la Havane, Brasilia, Curaçao, Halifax, Budapest, Dehli, Colombo, Kaboul, le Caire, Accra, Monrovia, Tripoli, Athènes, Nicosie, Vienne, Tokyo, Copenhague...

Dans chaque pays visité, Gagarine a attiré des foules immenses. A Calcutta, plus d'un million de personnes se sont rassemblées pour le voir. Lors de son voyage en Angleterre en juillet 1961, Gagarine a suscité l'admiration de tous en voyageant dans une voiture ouverte sous une pluie battante. Kamanin qui gérait le planning a dû refuser plus des deux tiers des invitations. Finalement, les autorités soviétiques ont introduit un système compliqué, par lequel tous les voyages à l'étranger des cosmonautes devaient être autorisés par la direction du Parti. Les voyages de Terechkova ont été autorisés par la plus haute instance politique, le Présidium du Comité central du Parti. Toutes les demandes devaient recevoir l'approbation préalable du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense et du KGB.