Séries d’essai du R-2
Malgré les lancements intensifs à Kapustin Yar , le site restait en construction. L’hiver 1950 y a été particulièrement rude, le site était recouvert de deux mètres de neige. On continuait à dormir sous des tentes ou dans des camions : les bâtiments en béton étaient encore en cours de construction. Les routes étaient quasiment inexistantes et le courrier plus qu’intermittent. Les souvenirs de l'époque décrivent tous la région comme l'une des plus difficiles et des plus exigeantes d’URSS. Pour la plupart des militaires qui y étaient stationnés en permanence, dont la majorité avaient survécu aux troubles de la Deuxième Guerre mondiale, c'était une autre épreuve tout aussi difficile.


Vozniouk, Vetochkine, Korolev et (?) dans leur wagon d'habitation, à Kapustin Yar, en 1948.
Korolev n’avait pas attendu le déploiement officiel du R-1 pour travailler, malgré l’opposition, sur le R-2. Coïncidant avec la deuxième série de lancements de tests R-1, il était présent à Kapustin Yar pour diriger les premiers lancements d'une version expérimentale du R-2, le R-2 E, dont l’objectif était de tester les résultats en vol d'un conteneur d'ogive séparable, tests importants pour l'amélioration des caractéristiques des missiles balistiques soviétiques. Le premier de cinq de ces missiles expérimentaux a décollé de Kapustin Yar le 25 septembre 1949, au moment même où la deuxième série d'essais R-1 était en cours. Les tests des conteneurs d'ogives n'ont pas totalement réussi, en raison de dysfonctionnements du système de stabilisation automatique au moment de la séparation. Ces problèmes ont été attribués à l'utilisation de systèmes de gyrostabilisation nouveaux mis au point au NII-10 sous la direction du concepteur en chef Kuznetsov. Globalement, les trois succès ont confirmé que les soviétiques avaient les capacités suffisantes pour travailler sans les ingénieurs allemands.
Le premier lancement à grande échelle d'un R-2 a eu lieu le 21 octobre 1950, un an après les essais du R-2E. Ce premier lancement s’est soldé par un échec, provoquant de longues discussions entre les ingénieurs au sujet de la pièce ayant générée le dysfonctionnement. La deuxième tentative, le 26
octobre, a été un succès partiel, le missile a déposé sa charge utile à 600 kilomètres du site de lancement. Tous les problèmes n’étaient pas réglés pour autant et l’inquiétude régnait toujours au sein des ingénieurs, reportant les lancements. Le R-2 dans sa version finale a décollé finalement le 20 décembre. Globalement, les résultats étaient assez négatifs, aucun des douze missiles lancés n’avait atteint ses objectifs initiaux. Les problèmes rencontrés étaient nombreux et variés : pannes de moteur, dysfonctionnements du système de guidage et erreurs de trajectoire des ogives. Malgré ces échecs, les lancements du R-2 ont fait progresser l’expertise et la connaissance des missiles balistiques à longue portée. C’était un premier pas vers l’indépendance par rapport aux ingénieurs allemands, montrant que l’industrie soviétique avait les capacités de produire de tels engins. Vingt-quatre instituts de recherche scientifique et quatre-vingt-dix entreprises industrielles avaient coordonné leurs efforts pour produire le véhicule.
Fusée R-2 sur son site de départ