an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Toujours en quête de la lune

La mission de Soyouz 9 et l’orientation donnée aux stations spatiales n’a pas marqué pour autant la fin des espoirs d’aller sur la Lune. L'histoire de la course à la Lune ne s’est pas terminée pas en 1969, du moins pas pour les Soviétiques. D’un point de vue politique et propagandiste, un atterrissage lunaire de cosmonautes offriraient un moyen de restaurer la confiance perdue dans le programme spatial soviétique. Cet atterrissage reposait en grande partie sur le sort de la fusée N1. L'enquête sur la deuxième défaillance de juillet 1969, qui avait détruit l'une des deux plateformes N1 disponibles à Tyura-Tam était longue et fastidieuse. Le rapport d’enquête, publié près d’un an après l’accident, a mentionné, après une reconstitution minutieuse, qu’un quart de seconde avant le décollage, un objet métallique, probablement une partie d'un collier en acier d'un capteur d'oscillation de pression, avait pénétré dans une pompe à comburant et fait exploser le moteur numéro 8 du premier étage. La partie inférieure du premier étage avait été en proie aux flammes, et à T+0,6 seconde, le système de contrôle du fonctionnement des moteurs KORD avait arrêté les moteurs n°7,8,19 et 20. T+8,76 secondes, il avait coupé le moteur n°21 et son moteur opposé n°9. A T+10,15 secondes, tous les moteurs avaient été arrêtés, sauf le moteur n°18 qui avait continué à fonctionner.

Tests sur le 7K-L1E

Après de long mois, la commission a maintenu des recommandations positives sur le N1, estimant que le N1 serait en mesure de soutenir tous les projets spatiaux soviétiques pour les dix prochaines années. Le maréchal Nikolay l. Krylov, commandant en chef des forces de missiles stratégiques, a recommandé de renforcer les contrôles au sol des moteurs, en accentuant les tests préliminaires de mise à feu. Lors d’une réunion en juillet 1970, Mishin avait informé le ministre Afanasyev d'un calendrier provisoire des lancements du N1 : 2 vols en 1970 avec des missions lunaires automatisées et des vaisseaux anciens de type LK ou LOK en fonction de la disponibilité, trois missions identiques en 1971, trois missions en 1972 avec le complexe L3 et enfin trois missions en 1973 avec l’atterrissage de deux cosmonautes sur la Lune.

Fin 1969 et en 1970, les essais de la charge utile 7K-L1 se sont poursuivis, ils faisaient parties du programme d'exploration lunaire soviétique, et permettraient d’effectuer des tests pour la mission L3. La charge utile 7K-L1E se composait d'un véhicule circumlunaire 7K-L1 simplifié, d'un étage expérimental Bloc D et du carénage de la charge utile. Le L1E guidait le Block D et était équipé de caméras de télévision qui observaient le comportement des propulseurs du Bloc D.

La première tentative de lancement du 7K-L1E a eu lieu le 28 novembre 1969, au sommet d'un propulseur Proton K/D à trois étages. En raison d'une défaillance du troisième étage, la charge utile n'a jamais atteint l'orbite. Il faudra attendra le 2 décembre 1970 pour effectuer un deuxième lancement du Soyouz 7K-L1E, nommé Cosmos-382. L'objectif principal de la mission était de tester l'étage d'insertion et de descente sur la lune du Bloc D qui équiperait le mission N1/L3. En six jours, l'étage du bloc D a été allumé sept fois en orbite terrestre simulant des corrections à mi-parcours, l’insertion en orbite lunaire et la descente motorisée de l'orbite lunaire, répétant ainsi les manœuvres du Bloc D lors d'une véritable mission d'alunissage L3. L'étage Bloc D était équipé de caméras dans les réservoirs pour surveiller le comportement du carburant et du comburant en apesanteur et en accélération. La réussite de cette mission a conforté la fiabilité du Bloc D qui serait utilisé pour la mission L3.

Le vol des versions orbitales terrestres du LOK et du LK, désignés respectivement T1K et T2K, était aussi un programme préalable au L3. Les restrictions budgétaires avaient annulé le T1K, mais le T2K, sous la pression et le lobbying de Yangel avait été maintenu. Mishin avait été autorisé à effectuer trois essais en vol complets du T2K en orbite terrestre en 1970-71, missions similaires à bien des égards au vol automatisé du module lunaire sur Apollo 5. Le premier vol simulerait un atterrissage lunaire classique, tandis que les deuxième et troisième simuleraient des situations potentiellement anormales lors d'un atterrissage.

Les missions réussies du L1E et du T2K ont redonné du baume au cœur des ingénieurs travaillant sur le L3, qui n’avaient jusqu’alors enregistrés que peu de résultats fructueux.

Cosmos 382 (L1E)

Le premier T2K, véhicule n°1, s’est envolé de Baykonur, le 24 novembre 1970, au sommet d’une fusée Soyouz 11A511L. Le vaisseau spatial a été nommé Cosmos-379 par l’agence TASS. Le vaisseau spatial a fait une série d’allumage de moteur, simulant le profil d'atterrissage lunaire. Après 3,5 jours en orbite, le premier allumage a été réalisé en imitant une descente vers la surface lunaire après séparation de l'étage du Bloc D. Le quatrième jour en orbite, une grande manœuvre a été effectuée simulant l'ascension depuis la surface lunaire. Ces principales manœuvres ont été suivies d'une série de petits ajustements simulant le rendez-vous et l'amarrage avec le LOK. Le LK a été testé sans problème majeur et s'est désintégré de l'orbite le 21 septembre 1983.

Le deuxième test consistait à simuler un atterrissage en situation délicate sur la Lune. Le vaisseau spatial, nommé Cosmos-398 lors de son entrée en orbite terrestre, a été lancé à 15 h 14, heure de Moscou, le 26 février 1971. La mission a été de couronnée de succès. Le troisième et dernier test du T2K a eu lieu près de six mois plus tard. Le vaisseau, nommé Cosmos-434, a été lancé à 12 h 50, heure de Moscou, le 12 août 1971. L’objectif de cette mission était légèrement différent : n'utiliser que le moteur de secours pour le décollage « depuis la Lune », en supposant que le moteur principal soit tombé en panne. Moins d'un jour après le lancement, à 6 h 34 le 13 août, le moteur principal a été déclenché, pour la plus longue durée de toutes les missions, simulant un atterrissage sur la Lune. Cosmos-434 est resté statique "sur la Lune" pendant plus de trois jours avant d'utiliser son moteur de réserve le 16 août pour tirer sur une nouvelle orbite.

Photos du T2K