an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

L'ouverture

Le début des années 1970 a marqué l’ouverture très lente du programme spatial soviétique au grand public. Le nom de Valentin Glushko a été publié officiellement en mars 1971 dans une encyclopédie de la « cosmonautique », révélation tout à fait impensable cinq ans plus tôt. Bien sûr, les informations sont restées parcellaires, mais elles existaient. Mishin a également été cité en 1972 par un journaliste français, Pierre Dumas, dans un article publié dans la revue « La Recherche Spatiale ». En mars 1972, le gouvernement soviétique a autorisé un journaliste américain à visiter le Centre d’entrainement des Cosmonautes. John Noble Wilford, reporter au New York Times et spécialiste des publications astronautiques, a fait une visite d'une journée à Zvezdnyy Gorodok, la ville étoilée et a rédigé un article d'une page, qui a été publié un mois plus tard.

Grâce à cette ouverture accrue, les États-Unis et l'Union soviétique se sont engagés dans leur première grande entreprise de coopération spatial sur fond de détente. En 1971, Nixon, élu en novembre 1968 en pleine guerre du Vietnam, conscient de l’affaiblissement relatif des Etats-Unis à la suite de son enlisement dans cette guerre et conscient également du renforcement économique des pays européens, a annoncé la fin de la convertibilité et le flottement du dollar sur les marchés des changes, mettant fin au régime des changes fixes instauré en 1944 à Bretton Woods. Les Etats-Unis se sont rapprochés de Pékin, l’unité du camp communiste s’est détériorée. L’URSS a commencé à voir se développer la corruption et a assisté à un début de privatisation de fait au profit de la nomenklatura, annonçant le gorbatchévisme.

Des discussions intensives sur un effort coopératif de vol spatial habité avaient commencé dès 1969 entre l'administrateur de la NASA de l'époque, Thomas O. Paine, et le président de l'Académie des sciences de l'URSS, Mstislav V. Keldysh. En dehors de la valeur purement politique en faveur de la détente, toute mission conjointe aurait des avantages pour les deux parties.

Lors du sommet de Moscou en mai 1972, le président américain Richard M. Nixon, à gauche, et le premier ministre soviétique Alexeï N. Kossyguine signent l'accord de coopération spatiale qui a conduit au projet d'essai Apollo-Soyouz.

Pour la NASA, l'année 1972 avait marqué la fin d’une ère dans l'histoire spatiale alors que les missions d'alunissage Apollo commençaient à s'essouffler. Apollo 16 avait été fixé au 1er avril 1972, la dernière mission, Apollo 17, était prévue pour décembre 1972. Les vols du programme de la station spatiale américaine Skylab étaient programmés pour 1973 et 1974, suivis d'une interruption du programme spatial piloté pendant au moins cinq ans avant l'arrivée de la navette spatiale réutilisable. Un vol conjoint fournirait aux ingénieurs de la NASA une précieuse expérience de vol spatial piloté. Pour les Soviétiques, une mission conjointe serait très utile du point de vue des relations publiques, pour démontrer que sa technologie spatiale était comparable à celle du programme spatial américain, une affirmation que les Soviétiques n’avaient jamais pu démontrer. En avril 1972, Vladimir A. Kotelnikov, vice-président d'Interkosmos, et George M. Low, administrateur adjoint de la NASA, ont conclu un accord technique sur l'amarrage d'un vaisseau Soyouz et d'un vaisseau Apollo en orbite autour de la Terre en juillet 1975. Le 24 mai 1972, un document officiel confirmant cet accord a été signé par le président Richard M. Nixon et le président du Conseil des ministres Aleksey N. Kosyguin. Les Américains ont appelé le projet Apollo-Soyouz Test Project, tandis que les Soviétiques ont utilisé l'expression Apollo-Soyouz Experimental Flight (EPAS).

Dans ce contexte, le programme spatial soviétique a perdu trois de ses principaux dirigeants en 1971. Le 25 juin 1971, le concepteur en chef Aleksey M. Isayev du Bureau de conception de la construction de machines chimiques à Kaliningrad est décédé à l'âge de 62 ans des suites d'une crise cardiaque. Son organisation, anciennement connue sous le nom d'OKB-2, avait conçu quasiment tous les systèmes de propulsion spatiaux du programme spatial soviétique, y compris ceux pour le Vostok, le Voskhod, Soyouz, Salyut, L1, et les vaisseaux spatiaux LOK. Isayev avait été un des premiers ingénieurs à se rendre en Allemagne en 1945. Il avait ensuite dirigé un groupe au NII-88. Il était à l’origine du premier moteur cryogénique soviétique à haute énergie, créé pour un des étages supérieurs de la fusée N1. Isayev s'était vu offrir l'honneur de devenir académicien de l'Académie des sciences, mais il avait refusé sous prétexte qu'il était ingénieur et non scientifique. Son nom n'a été révélé au grand public qu'à sa mort.

Moins de deux mois plus tard, le 3 août 1971, Georgiy Babakin, est décédé à son tour âgé de seulement 56 ans. Babakin avait supervisé les énormes succès des programmes lunaires et interplanétaires automatisés soviétiques. Dans les programmes spatiaux pilotés, il avait joué un rôle de premier plan dans la détermination de la politique spatiale en participant à divers conseils

Georgiy Babakin (1914-1971)

dans les programmes lunaires N1 -L3. Babakin avait permis le retour d'échantillons de sol lunaire avec Luna 16 et était à l’origine des missions du rover lunaire Lunokhod I à la fin de 1970. Babakin, travaillait en tant que vice-président de la commission d'enquête sur Soyouz 11 au moment de sa mort.

Aleksey M. Isayev (1908-1971)

le canapé d'une pièce voisine. Les invités l'ont découvert mort sur ce canapé. C'était sa cinquième crise cardiaque.

Enfin, le 25 octobre 1971, l’astronautique soviétique perdait le concepteur en chef Mikhail K. Yangel, l’une des figures les plus influentes des programmes de missiles et de l’espace soviétiques. En tant qu'architecte de la nouvelle génération de missiles balistiques stratégiques soviétiques, Yangel avait eu une influence importante sur l’histoire de l’Union Soviétique. Sous sa tutelle, le KB Yuzhnoye avait créé plusieurs ICBM hautes performances, tels que le R-16, le R-36 et le R-36M, pour les Forces de missiles stratégiques. Même si Yangel n'avait jamais porté un intérêt prioritaire pour le programme spatial piloté, il avait également étroitement collaboré au développement du système N1-L3, participant activement à toutes les réunions liées au programme.

Dans les dernières années de sa vie, affaibli par de graves maladies, il avait abandonné certaines de ses tâches quotidiennes. A l'occasion de son soixantième anniversaire, le 25 octobre 1971, une grande réception avait été organisée en son honneur dans les bureaux du ministre Afanasyev. Pendant les célébrations, Yangel s’est plaint de ne pas se sentir bien et est allé s'allonger sur

L’année 1971 marque aussi le retrait du colonel général Nikolay P. Kamanin, âgé de 60 ans, qui a démissionné officiellement de son poste d'assistant du commandant en chef des Forces aériennes pour l'espace, poste qu'il occupait depuis mai 1966. Officiellement, il avait été responsable du centre d'entraînement des cosmonautes, du service biomédical de l'armée de l'air et du service scolaire de l'armée de l'air. Pendant dix ans, Kamanin s’était montré un fervent défenseur des vols habités. Kamanin avait décidé de prendre sa retraite avant la catastrophe de Soyouz-11, son départ n’est pas en rapport avec cet accident comme la rumeur l’a annoncé dans les pays occidentaux. Il est décédé le 13 mars 1982, à l'âge de soixante-treize ans. Le journal qu’il a écrit méticuleusement de 1960 à 1974 a permis de récupérer de nombreuses informations sur le programme spatial soviétique.

Mikhail K. Yangel (1911-1971)

Nikolay P. Kamanin (1908-1982)