an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Zond-7 et la poursuite de Soyouz

La deuxième partie de l’année 1969 a été marquée, pour les Soviétiques, par plusieurs lancements importants. Pas de stratégie nouvelle, mais des lancements programmés antérieurement qui étaient enfin prêt à être tirés. Ustinov, Smirnov et Afanasyev ont permis des lancements symboliques du programme lunaire piloté, ce qui paraissait relativement aberrant dans le contexte vécu. La première de ces missions était un vol circumlunaire de l'engin spatial 7K-L1 à la fin de l'été de 1969. Bien que la composante pilotée du programme circumlunaire ait été officiellement suspendue en mars 1969, le concepteur en chef Mishin avait poursuivi les vols de l'engin spatial même si l’espoir de voler à bord était bien incertain.

Comme pour les lancements précédents du L1, des cosmonautes étaient présents au cosmodrome de Baykonur. Le vaisseau spatial Soyouz 7K-L1, véhicule n°11, avait été le dernier modèle fabriqué pour le vol automatisé et contenait des mannequins. Le vaisseau avait pourtant été repensé pour un vol habité avec des panneaux de contrôles motorisés. Le vaisseau spatial a décollé du cosmodrome de Baykonur, à 02 heures 48 minutes 6 secondes, heure de Moscou, le 8 août 1969, et s'est dirigé avec succès vers la Lune une heure plus tard. Appelé Zond 7 par la presse soviétique, le vaisseau, comme ses prédécesseurs, transportait de nombreux spécimens vivants, dont quatre tortues mâles des steppes, qui faisaient partie d'un groupe de trente tortues sélectionnées pour une étude biologique.

Le complexe UR-500K-L1 est en cours de chargement avant son déploiement jusqu'à la rampe de lancement.

Nous sommes arrivés à une situation complètement absurde : il n'y a pas un seul homme dans ce pays qui pourrait dire ce que sera le prochain vol dans l'espace. Ustinov ne le sait pas. Keldysh, Smirnov et Mishin non plus – Plus personne ne le sait ! Toutes tentatives pour obtenir de l'Etat la composition de plans de vols spatiaux pilotés ne mènent nulle part : un tel plan n’existe pas ![1]

A l’origine, avant la mission d'amarrage et d'EVA du Soyouz 4/5 de janvier 1969, Mishin avait prévu d'effectuer plusieurs vols orbitaux terrestres du vaisseau spatial Soyouz 7K-OK, équipé du nouveau système radar de rendez-vous Kontakt, plus élaboré qu’Igla. Mais le radar Kontakt n’était pas prêt pour un vol début janvier, les vols de Soyouz 4/5 avaient permis d’apporter une réponse à Apollo. Fin février, l'idée de Mishin était de lancer trois vaisseaux spatiaux Soyouz 7K-OK en orbite terrestre, deux s'arrimeraient automatiquement tandis que le troisième à 300 ou 400 mètres de distance, piloté manuellement, filmerait l’arrimage. Même s’il n’apportait rien à la mission lunaire, un tel vol démontrerait non seulement la capacité du programme spatial soviétique à effectuer des opérations complexes dans l'espace, mais aussi fournirait des clichés photographiques très médiatiques aux relations publiques. Sur un plan purement technique, le vol permettrait également aux ingénieurs de parfaire les opérations de rendez-vous et d'amarrage et de contrôle de plusieurs vaisseaux en orbite en vue des futures missions de la station spatiale.

Le 1er avril 1969, Mishin présenta un plan à court terme pour le programme 7K-OK Soyouz :

  • Soyouz 6,7 et 8 Vol triple en août 1969

  • Soyouz 9 et 10 Vol d’amarrage en octobre 1969

  • Soyouz 11 et 12 Vol d’amarrage en février 1970

La triple mission, outre le rendez-vous et l’accostage, permettrait de tester des expérimentations techniques avec complexe d'opérations de soudage dans des conditions de microgravité et de vide. L'expérience du triple vaisseau établirait un nouveau record avec sept cosmonautes simultanément dans l'espace. Les deux dernières missions d'amarrage Soyouz 9 / Soyouz 10 et Soyouz 11 / Soyouz 12, comprendraient au moins une mission de très longue durée pour récupérer le record d'endurance absolue d'une mission spatiale, détenu depuis près de quatre ans par la mission Gemini 7 de la NASA.

Mishin a discuté de ces plans le 7 juin avec Ustinov. Mais les retards s’accumulaient et Apollo 11 s’était posé sur la Lune. Le projet a été repoussé à octobre. Fin septembre, moins de deux semaines avant le lancement prévu, Mishin a de nouveau rencontré Ustinov pour lui faire part des préparatifs de la triple mission. Mishin a noté que Ustinov avait du mal à prendre une décision, et il a interdit à Mishin de commencer le chargement des propulseurs des boosters et des vaisseaux spatiaux. Ustinov a déclaré à Mishin que la décision finale de procéder aux lancements serait discutée au niveau du Politburo, événement inhabituel pour un lancement spatial. Il est fort probable que les principaux dirigeants soviétiques, Brejnev et Kosyguin craignaient un nouvel échec qui serait catastrophique pour le programme spatial soviétique si peu de temps après Apollo 11 : une telle décision ne risquait-elle pas de mettre en lumière le retard soviétique dans le domaine spatial ? Finalement, le Politburo s’est réuni le 30 septembre et a donné l’autorisation de réaliser le triple vol, préférant un vol groupé à aucun vol.


[1] Nikolay Kamanin, “I Feel Sorry for Our Guys” no. 13: 8-9, cité par Asif A. Siddiqi dans Challenge to Apollo: The Soviet Union and The Space Race, 1945-1974.

Après une correction à mi-course à une distance de 250 000 kilomètres de la Terre, le 9 août, le vaisseau a fait le tour de la Lune à une distance de 1 200 kilomètres. Seul un problème de communication a perturbé légèrement le vol qui a réalisé tous ses objectifs.

La mission Zond 7 était équipé d’une caméra embarquée et pour la première fois, le 8 août, des photos en couleurs ont été prise de la terre à une distance de 70.000 kilomètres, montrant clairement une grande partie du globe, y compris l'Asie, l'Afrique et le Moyen-Orient. Le 11 août, Zond-7 a survolé la lune à une distance de 1 230 kilomètres du sol lunaire. Après le survol, le vaisseau spatial est revenu sur Terre et a réussi son atterrissage le 14 août 1969. La capsule a atterri au sud de la ville de Kustanai au Kazakhstan, à seulement 47,5 kilomètres du point projeté, dans la zone d'atterrissage prévue. Le 22 août, le journal Pravda, porte-parole officiel du Parti communiste, a publié les premières images en noir et blanc produites lors de la mission Zond-7. Des versions en couleur des photos ont été publiées ultérieurement dans des magazines. Malgré ces publications, les observateurs occidentaux ont remarqué que la communication par la presse soviétique autour de Zond-7 avait été moins soutenues que pour Zond-5 et 6, montrant qu’avec la réussite du programme Apollo, le programme Zond avait politiquement perdu de son intérêt.

Après une correction à mi-course à une distance de 250 000 kilomètres de la Terre, le 9 août, le vaisseau a fait le tour de la Lune à une distance de 1 200 kilomètres. Seul un problème de communication a perturbé légèrement le vol qui a réalisé tous ses objectifs.

La mission Zond 7 était équipé d’une caméra embarquée et pour la première fois, le 8 août, des photos en couleurs ont été prise de la terre à une distance de 70.000 kilomètres, montrant clairement une grande partie du globe, y compris l'Asie, l'Afrique et le Moyen-Orient. Le 11 août, Zond-7 a survolé la lune à une distance de 1 230 kilomètres du sol lunaire. Après le survol, le vaisseau spatial est revenu sur Terre et a réussi son atterrissage le 14 août 1969. La capsule a atterri au sud de la ville de Kustanai au Kazakhstan, à seulement 47,5 kilomètres du point projeté, dans la zone d'atterrissage prévue. Le 22 août, le journal Pravda, porte-parole officiel du Parti communiste, a publié les premières images en noir et blanc produites lors de la mission Zond-7. Des versions en couleur des photos ont été publiées ultérieurement dans des magazines. Malgré ces publications, les observateurs occidentaux ont remarqué que la communication par la presse soviétique autour de Zond-7 avait été moins soutenues que pour Zond-5 et 6, montrant qu’avec la réussite du programme Apollo, le programme Zond avait politiquement perdu de son intérêt.

Ironiquement, le vaisseau Zond-7 aurait été le premier de la série L1 à ramener son équipage en toute sécurité sur Terre si des cosmonautes avaient été à bord. Selon Kamanin, cela a redonné confiance à Afanasyev et Mishin pour reprendre les discussions sur un vol habité autour de la lune. Lors d'une réunion de la Commission d'État L1, le 19 septembre 1969, les membres ont discuté de cette question. La Commission d’État a décidé d’utiliser les trois engins spatiaux 7K-L1 restant au sol pour de nouveaux vols. Le premier serait lancé début décembre 1969 sur un vol automatisé suivi du second en avril 1970, transportant peut-être les premiers cosmonautes soviétiques autour de la Lune, juste à temps pour le 100e anniversaire de Lénine. Mais malgré le soutien de Mishin et du président de la commission d'État Tyulin, de nombreux membres s’opposèrent à ce projet. Politiquement, il y avait peu à gagner d’une mission pilotée L1. Brejnev et Ustinov avaient déjà plus ou moins décidé de la fin du programme au printemps de 1969 et le projet de lancer un équipage en avril 1970 mourut de sa belle mort.

A la fin de 1969, le programme L1 a été de facto annulé. Mishin devait réorienter ses plans vers des missions plus technologiques. La grande question des dirigeants était de savoir comment réaliser une mission avant la fin de l’année 1969 qui effacerait quelque peu Apollo. Depuis le succès d’Apollo 8, les dirigeants cherchaient une mission ambitieuse. En janvier 1969, le ministre de la Construction générale des machines, Afanasyev, avait suggéré une mission Soyouz de trente jours en orbite terrestre. Un mois plus tard, le président de la Commission d'État de Soyouz, le major général Kerimov, avait proposé un vol orbital terrestre de sept jours plus modeste de deux cosmonautes dans un navire Soyouz. Le chef du programme spatial Ustinov voulait plus, expliquant à la commission qu'une mission de sept jours était trop insuffisante et qu’elle devait être plus importante. Kamanin, le 1er février, a souligné dans son journal la confusion qui régnait dans le programme Soyouz :

Premières photos en couleurs prises par Zond-7 le 11 août 1969