an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Le complexe lunaire N1-L3

LK était mis à feu pour annuler la vitesse résiduelle durant la phase de descente finale. Le commandant, qui modulait la poussée du moteur manuellement, disposait de 25 secondes de carburant, pour survoler la zone et choisir un site d'atterrissage avant de se poser. Au moment où le train d'atterrissage touchait le sol, quatre petites fusées à propergol solide étaient mises à feu pour plaquer le LK sur le sol et l'empêcher de rebondir ou de basculer. Si un problème se produisait durant la phase de descente, le module était réorienté, le train d'atterrissage était largué et le moteur était mis à pleine puissance pour remonter en orbite puis effectuer une manœuvre de rendez-vous avec le vaisseau LOK.

A la suite de l'atterrissage, le commandant vérifiait les systèmes du LK ainsi que le fonctionnement de sa combinaison spatiale. Il dépressurisait le compartiment dans lequel il se tenait puis sortait par l'écoutille ovale située sur le côté du module avant de descendre à l'aide de l'échelle sur le sol lunaire. Une caméra fixée à l'extérieur du module suivait sa descente. Les images étaient retransmises à la Terre via une antenne fixée sur le train d'atterrissage. Il déployait ou utilisait les outils et instruments qui étaient logés dans un compartiment du train d'atterrissage puis collectait des échantillons du sol. La durée du séjour en surface était comprise entre une heure et demie et six heures. A la fin de sa sortie, le commandant réintégrait le module lunaire qui était pressurisé et entamait une période de repos. La phase de décollage était précédée par la coupure des liaisons électriques et mécaniques qui solidarisaient le train d'atterrissage LPU et le reste du module lunaire. Les moteurs du bloc I étaient mis à feu et le module lunaire s'élevait pour se placer en orbite.

C'était le LOK qui effectuait les manœuvres permettant le rendez-vous avec le module LK, ce dernier, une fois en orbite, restant passif. Le déroulement des manœuvres était entièrement automatique mais le pilote du LOK pouvait reprendre les commandes si nécessaires. Le système d'amarrage Kontact permettait d'amarrer les deux vaisseaux sans qu'ils soient parfaitement alignés. Une fois l'amarrage effectué, le commandant effectuait une sortie extravéhiculaire pour rejoindre le LOK en emportant avec lui les échantillons de roches collectés à la surface de la Lune. Il réintégrait le LOK via l'écoutille du module orbital puis le module LK était largué. Le moteur principal du LOK était mis à feu au cours de l'orbite suivante, alors que le vaisseau se trouvait sur la face cachée de la Lune, et celui-ci quittait l'orbite lunaire pour entamer le voyage de retour vers la Terre. Après avoir effectué deux corrections de trajectoire durant le transit d'une durée de 82 heures, les modules orbitaux et de service du LOK étaient largués. Le module de descente avec les deux cosmonautes à bord entamait la descente vers la Terre sous un angle tel qu'il rebondissait deux fois ce qui permettait de réduire sa vitesse. Il effectuait alors une rentrée atmosphérique puis se posait sur le territoire de l'Union soviétique.

Le complexe N1-L3 était la réponse soviétique au projet américain et au défi lancé par Kennedy en 1961. Un projet conçu dans l’ombre, en secret avec pour but unique de mettre le pied sur la lune avant les Américains, montrant la supériorité technologique des Russes.

La longueur totale du N1-L3 sur la plateforme était de 105,3 mètres, dont 43,2 mètres pour le L3. Le complexe L3 se composait des sections : Bloc G (quatrième étage) du complexe N1-L3 et la station orbitale lunaire composée de véhicules pour travailler dans l'espace lunaire. Le Bloc G servait d'étage pour l’injection en orbite lunaire et était propulsé par un seul moteur NK-19, presque identique au moteur utilisé sur le troisième étage de la N1. Son temps de fonctionnement était de 443 s avec possibilité d'allumages multiples, destiné à propulser la station orbitale lunaire vers la Lune.

La station orbitale lunaire se composait de trois éléments : le Bloc D, le vaisseau lunaire (LK) et le vaisseau orbital lunaire (LOK).

Le bloc D était en fait le cinquième étage du N1-L3, et c’était l’un des éléments essentiels du programme puisqu’il effectuerait plusieurs mises à feu et un atterrissage lunaire, deux à trois allumages pour des corrections de cap sur l’orbite lunaire, et le début de la descente vers la lune. Le moteur devait donc être extrêmement fiable dans des conditions de vide et d’apesanteur et pendant plus d’une semaine. Le moteur retenu était le RD-58, celui du quatrième étage du lanceur Molniya 8K78, qui avait une poussée de huit tonnes et demie et une impulsion

Complexe lunaire, comprenant les blocs de fusées G et D, le vaisseau spatial lunaire avec le bloc de fusée E et l’orbiteur lunaire avec le bloc de fusée E et l’orbiteur lunaire : 1. Module de descente 2. Compartiment ménager 3. Port d’amarrage 4. Contrôle d’attitude et accostage compartiment moteur 5. Moteurs d’accostage 6. Compartiment de propulsion 7. Compartiment d’énergie 8. Moteurs de contrôle d’attitude 9. Bloc de roquettes 10. Compartiment à instruments

La masse était l’élément primordial qui avait dicté la conception finale du LK. Les calculs avaient montré qu'avec le nouveau N1, l’atterrisseur lunaire pouvait peser au maximum cinq tonnes et demie, à comparer aux quinze tonnes du module lunaire de la NASA. Le défi était de taille pour les équipes de Korolev. Le module lunaire LK comprenait quatre sous-ensembles qui étaient de bas en haut :

Le train d'atterrissage LPU. C’était le seul composant qui resterait sur la Lune lorsque le LK décollerait de la surface. Il servait de plate-forme de décollage ;

L'étage Bloc E, qui comprenait les moteurs principaux et les réservoirs, prenait en charge à la fois la phase d'atterrissage finale et le retour en orbite lunaire ;

Le compartiment pressurisé dans lequel se tenait le cosmonaute ;

Le système de contrôle d'attitude regroupant les moteurs chargés de modifier l'orientation du LK coiffé par le système d'amarrage.

Le train d'atterrissage LPU (Lunniy Posadocnie Ustroistviy) avait été conçu pour permettre un atterrissage sur une pente de 30° compte tenu d'un centre de masse situé à 2,5 mètres au-dessus du sol. Quatre petites fusées à propergol solide situées près du point d'attache des pieds du train d'atterrissage seraient mises à feu au moment où le module toucherait le sol pour le plaquer au sol et empêcher qu'il ne se renverse. Tous les équipements qui pouvaient rester sur le sol lunaire au moment du décollage étaient fixés sur le LPU : le radar altimètre, les antennes paraboliques, une partie des batteries, trois réservoirs d'eau

spécifique de 349 secondes. Les travaux du Bloc D étaient supervisés par le concepteur en chef adjoint de l'OKB-1, Mikhail V. Melnikov. L’étage mesurait 5,7 mètres de long, avec une coque cylindrique extérieure largable et un diamètre extérieur de 3,7 mètres. L’atterrisseur lunaire LK était positionné sur le bloc D.

Vaisseau lunaire : 1. Atterrisseur lunaire 2. Bloc fusée E 3. Cabine du cosmonaute 4. Blocs du système
de vie 5. Dispositif d’observation d’atterrissage 6. Contrôle d’attitude bloc moteur 7. Radiateur du système de contrôle thermique 8. Port d’amarrage 9. Capteur de visée 10. Capteurs d’alignement 11. Compartiment à instruments 12. Caméra TV 13. Antennes omnidirectionnelles 14. Sources d’alimentation 15. Jambe de force avec amortisseur 16. Jambe de force avec amortisseur 17. Radar d’atterrissage 18. Compartiment à instruments à charnière 19. Antennes faiblement directionnelles 20. Antennes du système de rendez-vous 21. Antennes TV 22. Moteur à compression 23. Moteur principal 24. Réflecteur 25. Moteur de secours

utilisés pour le contrôle thermique par évaporation, la caméra vidéo chargée de filmer le déroulement des opérations durant la sortie extravéhiculaire et les différents équipements déployés dans le cadre des activités sur le sol lunaire. La masse de cet ensemble était évaluée à 1 440 kg.

Le compartiment pressurisé avait une forme pratiquement sphérique avec un compartiment contenant une partie des équipements (électronique, batteries, système radio...) qui faisait saillie sur le côté. Les dimensions extérieures du module de 2,3 × 3 m permettaient tout juste d'accueillir dans un intérieur très encombré un seul cosmonaute revêtu de sa combinaison spatiale. Celui-ci était fixé par des harnais devant des consoles d'instruments et les manettes de contrôles. Pour que le cosmonaute puisse voir la zone d'atterrissage, un hublot avait été installé face à lui à un endroit où la coque du compartiment comportait un renflement concave permettant d'avoir une vue verticale. Un second hublot, plus petit, situé au-dessus du premier, était utilisé pour la manœuvre de rendez-vous avec le vaisseau LOK. A l'extérieur du compartiment se trouvait quatre antennes, deux antennes omnidirectionnelles pour les communications et deux antennes utilisées par le radar de rendez-vous. Initialement, les concepteurs du LK avaient prévu une atmosphère d'oxygène pur car cela permettait de diminuer la pression et donc l'épaisseur des parois (solution retenue sur le module lunaire américain). Mais un tel système, inhabituel sur les vaisseaux soviétiques qui utilisaient toujours une atmosphère azote/oxygène, nécessitait de développer des équipements nouveaux et donc coûteux. Le mélange azote/oxygène a été finalement retenu mais avec une proportion d'azote plus faible permettant de faire tomber la pression à 560 mmHg et donc de gagner du poids sur la masse de la structure. Le contrôle thermique a été pris en charge par un système comportant un échangeur gaz-liquide et des ventilateurs. Le système de support vie a été conçu initialement pour fonctionner durant 48 heures.

Le bloc E regroupait l'ensemble de la propulsion principale du module LK, il devait assurer l’atterrissage et le décollage. Le développement des moteurs a été confié à l’OKB-586 de Yangel. La fiabilité exigée pour cet ensemble propulsif, dont dépendait la survie du cosmonaute, était de 99,976 % c'est-à-dire un taux jamais exigé jusque-là. Pour parvenir à tenir cet objectif tout en limitant la masse qui représentait près de 50 % du total, le chef de projet Boris Goubanov de l’OBK-586 a choisi d'associer un moteur-fusée RD-858 à poussée modulable de 856 kg à 2 tonnes et un moteur de secours RD-859 de poussée fixe de 2 tonnes à deux chambres de combustion et deux tuyères (pour conserver une poussée dans l'axe vertical du module). Les deux engins brûlaient un mélange hypergolique d'UDMH et de peroxyde d'azote. Le moteur de secours était mis à feu en même temps que le moteur principal au décollage puis était éteint lorsque le moteur principal atteignait sa pleine poussée si le fonctionnement de ce dernier était estimé satisfaisant.

Groupe de participants aux travaux de création de la fusée N1-L3 et du
complexe spatial. Au premier rang : A.Y. Shvetsova, N.A. Zadumin, P.I. Meleshin, E.I. Mikheeva, S.S. Kryukov, A.A. Reshetina, I.S. Prudnikov, E.P. Frolova, P.F. Shulgin ; au deuxième rang, A.A. Rzhanov, A.I. Nechaev, V.P. Zalepukin, A.P. Fokin, V.S. Anufriev, V.I. Frumson, V.F. Sadovyi, A.I. Shelukha, A.G. Reshetin. V.A. Borisov, P.I. Ermolaev, V.A. Udaltsov, M.S. Khomyakov, S.F. Parmuzin ;
au troisième rang V. N. Prokofiev, Y. A. Mikheev, A.A. Ryabov, I.P. Firsov, V.S. Golov, A.P. Frolov, I.L. Minyuk

Le système de contrôle d'altitude était situé dans un compartiment haut de 0,68 mètre situé au sommet du module pressurisé. Il comprenait deux réservoirs contenant 100 kg d'ergols qui alimentaient les propulseurs par mise sous pression. Le système de propulsion comprenait 4 grappes de 4 moteurs consommant tous un mélange hypergolique d'UDMH et de peroxyde d'azote.

Le système d'amarrage utilisé par le module LK après la remontée du sol lunaire était conçu pour être léger et simple et s'inspirait du système développé pour la version 7K-OK du vaisseau Soyouz. L'absence d'écoutille permettait d'alléger fortement le dispositif mais imposait au cosmonaute qui descendait sur la Lune d'effectuer en orbite une sortie extravéhiculaire pour embarquer dans le module LK et d'en effectuer une nouvelle à son retour de la Lune. Le système d'amarrage baptisé « Kontact » était encore plus simple que celui du module Soyouz car il n'était utilisé qu'une seule fois. Il était constitué côté LOK, qui avait le rôle actif durant les manœuvres de rendez-vous, d'une sonde avec un amortisseur de choc. Celle-ci devait être engagée dans une structure plate en nid d'abeilles d'un mètre de diamètre, située sur le module lunaire LK, comportant 108 ouvertures de forme hexagonale qui, chacune, pouvaient verrouiller l'extrémité de la sonde. Ce système permettait de réaliser un amarrage sans que l'alignement des deux vaisseaux soit parfait. La connexion était uniquement mécanique.

La troisième composante majeure du L3 était le LOK, le vaisseau orbital lunaire. Il s’agissait d’une variante du module 7K de base du Soyouz. Il se composait de quatre compartiments : le compartiment d’habitation, l’appareil de descente, le compartiment des instruments et le compartiment des moteurs. Les trois premiers modules étaient quasiment similaires au projet 7K-Soyouz.

Le compartiment d’habitation pressurisé était occupé par les cosmonautes durant le trajet vers la lune. Il était équipé de deux écoutilles, une permettant le passage vers le module de descente et une sur le côté pour les sorties extra-véhiculaires. Un module de contrôle d’altitude comprenant 24 propulseurs ainsi que les réservoirs des ergols était installé à l’extrémité avant du compartiment d’habitation. Le système d’amarrage « Kontact » était installé au somment des moteurs d’orientation. Ce système d'amarrage très simple était utilisé par le module lunaire LK à son retour du séjour sur la Lune pour s'amarrer au vaisseau LOK.

L'appareil de descente qui permettait le retour sur terre était similaire à celui du Soyouz de base. Il porterait l'équipage de deux personnes pendant le lancement et l'atterrissage. Il contenait des panneaux de contrôle pour les systèmes du vaisseau, les systèmes de survie, un ordinateur de bord et une trappe à son sommet pour le transfert dans le compartiment d'habitation. Tout au long du vol, la capsule serait recouverte d'un isolant de protection thermique et d'un écran thermique renforcé à la base qui serait éjecté après la rentrée dans l’atmosphère.

Le compartiment des instruments était analogue à celui du Soyouz de base. Il contenait du matériel pour les communications radio du vaisseau, pour la télémétrie et les commandes des systèmes de liaison radio, ainsi que plusieurs moteurs de contrôle d'attitude destinés à être utilisés pendant le rendez-vous en orbite.

La dernière section du LOK était l’étage moteur Bloc I. Ce compartiment en forme de jupe situé à l’extrémité arrière du navire contenait la propulsion principale utilisée pour quitter l'orbite lunaire puis effectuer les manœuvres de correction au cours du voyage de retour ainsi que le réservoir d'ergols. La propulsion était assurée par deux moteurs, un moteur principal et un moteur plus petit assumant les changements orbitaux pendant les opérations en orbite lunaire, et capable d’effectuer jusqu’à trente-cinq tirs de courte durée. Vu les exigences techniques, Korolev avait confié la réalisation de ces moteurs au concepteur en chef Isayev de l’OKB-2.

Le déroulement d’une mission complète du N1-L3 telle que définie était le suivant :

Le complexe N1-L3 de 2.750 tonnes était lancé de Tyura-Tam avec deux cosmonautes à bord. Les trois premiers étages (Bloc A, B et V) du N1 inséraient le vaisseau L3 de quatre-vingt-onze tonnes et demie sur une orbite basse de 220 km après environ neuf minutes de vol. L'ensemble L3 comprenait le bloc, D, le module lunaire LK et le vaisseau LOK dans lequel l'équipage se tenait. L'ensemble L3 restait en orbite terrestre 24 heures afin que son équipage puisse vérifier le fonctionnement de tous les systèmes puis l'étage G utilisait son moteur durant 480 secondes pour placer l'ensemble L3 sur une trajectoire le menant à proximité de la Lune. Le bloc G était largué quelques minutes plus tard. La trajectoire suivie permettait, en cas de défaillance, de ramener l'équipage à proximité de la Terre après avoir fait le tour de la lune. Le bloc D était utilisé pour effectuer deux petites corrections de trajectoire durant le transit vers la Lune dont la première avait lieu 8 à 10 heures après le départ de l'orbite terrestre et la deuxième 24 heures avant d'arriver à proximité de la Lune.

profil de vol N1-L3

Après environ quatre jours de transit, le bloc D était mis à feu quelques secondes pour réduire la vitesse de l'ensemble L3 et le placer sur une orbite lunaire de 150 km. Durant les 4e et 14e orbites, le bloc D était mis à feu pour réduire l'altitude et placer l'ensemble sur une orbite elliptique de 100 sur 20 km. L'équipage vérifiait le module LK depuis le LOK, puis l'écoutille du module orbital du LOK était ouverte et le commandant de la mission commençait une sortie extravéhiculaire. L'ingénieur de vol, qui portait une combinaison spatiale plus légère restait dans le compartiment dépressurisé pour assister le commandant si nécessaire. Ce dernier se déplaçait le long de l'ensemble L3 assisté par un bras mécanique, puis ouvrait une première écoutille dans le carénage qui entourait le LK puis l'écoutille du LK avant de pénétrer dans celui-ci. Il vérifiait tous les systèmes du module lunaire LK puis, après avoir fermé l'écoutille et pressurisé le compartiment, déclenchait à un moment bien précis de l'orbite lunaire la séparation de l'ensemble formé par le module LK et le bloc D du vaisseau LOK dans lequel était resté l'ingénieur de vol. Le carénage qui recouvrait le module lunaire était largué. Le bloc D était mis à feu une dernière fois pour réduire la vitesse du module lunaire à 100 m/s puis était largué. Lorsque l'altimètre du module lunaire détectait que celui-ci ne se trouvait plus qu'à 1,5–2 km du site d'atterrissage, le moteur du