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Sommet de Paris et l’affaire de l'U-2

Khrouchtchev, dans le contexte politique interne dans lequel il se trouvait n’a certainement pas voulu prendre le risque de revenir « bredouille » de ce sommet, sans solution au problème berlinois. Ces adversaires auraient pu lui reprocher la foi imprudente qu’il avait eue dans les paroles d’Eisenhower quelques mois plus tôt. Quoiqu’il en soit, l’échec du sommet de Paris a ouvert une période de crise Est-Ouest. Khrouchtchev ne voulait plus rien entendre de l’administration Eisenhower. Les tensions internationales se multipliait au Laos[2] et au Congo[3]. Pourtant l’échec de la détente entamée depuis début 1968 était imputable à Khrouchtchev. Eisenhower avait été prudent, il avait compris le bluff stratégique de Khrouchtchev, mais avait eu l’intelligence de ne pas le révéler, pour ne pas pousser celui-ci à lancer un programme effréné de production de missile. Il était convaincu que l’URSS ne pourrait pas l’emporter dans un conflit, et qu’elle finirait par s’assagir. Il a certainement réalisé une erreur en faisant trop confiance aux méthodes et aux capacités de la CIA qui aboutirait en avril 1961 au désastre de la baie des Cochons, et qui provoquerait une nouvelle montée en puissance de l’armement.


[1] Gary Powers a reçu une peine d’emprisonnement de 10 ans, il a été relâché le 10 février 1962, lors d’un échange contre Abel, un espion au service de l’URSS. Powers s’est tué en août 1977 dans un accident d’hélicoptère.

[2] La guerre civile laotienne est un conflit armé qui opposa le Pathet Lao au royaume du Laos. Commencée durant la guerre d'Indochine, la guerre civile s’est poursuivie durant la guerre du Viêt Nam, dont elle constitua un théâtre parallèle de la même manière que la guerre civile cambodgienne. Ce conflit a impliqué les troupes américaines, les troupes thaïlandaises, les troupes sud-vietnamiennes, les troupes philippines ainsi que l'armée nord-vietnamienne, avec le soutien officieux de l'armée soviétique et l'armée chinoise.

[3] La crise congolaise est une période de troubles politiques et de conflit ayant eu lieu en République du Congo entre 1960 et 1965. La crise a commencé presque immédiatement après l'indépendance du pays et a pris fin avec l'accession à la présidence de Mobutu. Consistant en plusieurs crises gouvernementales et guerres civiles, la crise congolaise fait partie des nombreuses guerres par procuration de la Guerre froide au cours desquelles les États-Unis et l'Union soviétique apportent leur soutien matériel, financier et logistique à des groupes militaires opposés. Plus de 100 000 personnes ont trouvé la mort pendant la crise.

Francis Gary Powers, le pilote américain de l'U-2 abattu en Russie (au centre au premier plan, debout dans la loge) lors de son procès dans la Grande Salle des Colonnes de Moscou, le 11 octobre 1960. Il a avoué son espionnage et a été condamné à 10 ans de prison.

A la suite du voyage de Khrouchtchev aux Etats-Unis, les deux leaders sont tombés d’accord pour organiser, au printemps 1960, un sommet réunissant les quatre « grands » (Eisenhower, Macmillan, Khrouchtchev et De Gaulle.) à Paris pour débattre des sujets importants du moment : la situation de l'Allemagne, les essais nucléaires et les relations Est-Ouest. Mais le contexte s’est à nouveau tendu lorsque le 1er mai 1960, les soviétiques ont abattu un avion espion américain U2, au-dessus la ville de Sverdlovsk. Eisenhower avait effectivement autorisé de nouvelles missions aériennes au-dessus du territoire soviétique pour observer les installations de missiles intercontinentaux. L’objectif du président américain était de montrer aux militaires américains que les Russes n’avaient pas mis en service opérationnel la première génération de leur ICBM R-7, et ainsi de résister à la pression américaine de réarmement. Les États-Unis ont d’abord nié qu’il s’agissait d’une mission d’espionnage, avant que les autorités soviétiques ne rendent des preuves publiques, annonçant l’identité du pilote, Francis Gary Powers[1], qui avait sauté en parachute. Khrouchtchev s’est livré à une charge virulente contre les États-Unis, liant sa participation au Sommet de Paris à des excuses formelles, des punitions aux responsables de l'incident et un engagement américain à cesser ces vols. Même si le sommet a été maintenu entre le 14 et 16 mai, aucun compromis n’a été trouvé entre les quatre. L’invitation faite à Eisenhower de se rendre en URSS a été retirée, confirmant l’échec de la rencontre. Il peut sembler étonnant que Khrouchtchev ait lui-même saboté cette conférence qu’il appelait de ses vœux quelques mois plus tôt. Il semble que l’épisode de l’U-2 ne soit qu’un évènement sur lequel le dirigeant soviétique se soit appuyé pour empêcher le déroulement normal de cette conférence.