an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Premiers assauts lunaires

Maxwell, Dmitriy Mendeleyev, Louis Pasteur, Alexandre Popov, Marie Curie, Tsu Ch'ung Chi et Thomas Edison.

Finalement, six de ces tirs lunaires avaient été des échecs, mais les trois succès avaient été remarquables : la première sonde à voler en orbite solaire, le premier objet construit par l'homme à avoir un impact sur un autre corps céleste, et la première sonde à prendre des photos de la face cachée de la Lune. Mais ces lancements avaient aussi montré que la capacité de levage du 8k72 d’environ quatre tonne était légèrement insuffisante pour l’Objet K. A partir de 1959, Kosberg a commencé une nouvelle version de son moteur, le RD-0109, plus puissant permettant une poussée supérieure à cinq tonnes. Pour montrer la différence avec le booster 8K72, un "k" a été ajouté pour indiquer l'utilisation dans le programme Objet K, devenant ainsi le booster 8K72K. Ce lanceur avait des temps de combustion plus courts pour tous ses étages, mais compensé par une poussée accrue de tous les moteurs, y compris du moteur central.

Le programme Objet K était l'un des trois projets spatiaux post-Spoutnik à émerger en Union soviétique. Mené parallèlement au programme de reconnaissance militaire par satellite et au programme des sondes lunaires, il allait permettre aux soviétiques d’être les premiers à faire voler un homme dans l’espace. Mais la course allait être serrée, les Etats-Unis avaient engagé des efforts similaires. La NASA avait une vision a beaucoup plus long terme que les Russes. Korolev allait surveiller et s’appuyer sur les développements américains pour brusquer les choses, mais cela serait compliqué.


[1] La « deuxième vitesse cosmique » est le terme russe pour nommer la vitesse nécessaire pour s'échapper à l’orbite terrestre.

[2] L'étage supérieur s'appelait Block Ye puisque « Ye » est la sixième lettre de l'alphabet cyrillique (A, B, V, G, D, Ye)Maxwell, Dmitriy Mendeleyev, Louis Pasteur, Alexandre Popov, Marie Curie, Tsu Ch'ung Chi et Thomas Edison.

La fusée 8K72 a été tirée sept fois entre le 23 septembre 1958 et le 4 octobre 1959 pour le programme de sondes lunaires. Sur ces sept lancements, un a été partiellement réussi et seulement deux ont pleinement mis en œuvre les tâches qui leur avaient été assignées. Les deux étages du R-7 n'étaient pas suffisants pour atteindre la Lune avec un véhicule à commande automatique chargé d'équipements. Un troisième étage, strictement spatiale, était nécessaire pour propulser le véhicule lunaire à la « deuxième vitesse cosmique[1] » de 11,2 kilomètres/seconde. Cet étage s’appelait le bloc Ye[2]. Comme nous l’avons évoqué, Mishin avait convaincu Korolev de ne pas travailler avec Glushko et de se rapprocher de Kosberg. Celui-ci a commencé à développer et à fabriquer des moteurs de troisième étage fonctionnant à l'oxygène et au kérosène pour le R-7. La plus grande difficulté était de déterminer avec une certitude absolue que l'allumage et le démarrage seraient assurés de manière fiable dans l'espace. Une erreur de seulement un mètre par seconde (c'est-à-dire de 0,01 % de la valeur de la pleine vitesse) dans la détermination de la vitesse de la fusée à l'arrêt du moteur entraînerait une déviation de 250 kilomètres du point de contact avec la lune. Un écart de 10 secondes par rapport au temps de lancement calculé depuis la Terre entraînerait un décalage de 200 kilomètres du point de contact à la surface lunaire. Les premiers lancements de la version lunaire des fusées R-7 à trois étages (8K72) ont eu lieu les 23 septembre et 11 octobre 1958. Les deux lancements se sont soldés par des échecs identiques : l’explosion du booster après environ 100 secondes. Les enquêteurs ont découvert une défaillance des capteurs qui surveillaient la pression dans la combustion des chambres des boosters provoquant de fortes vibrations. Des mesures ont immédiatement été prises pour diminuer la poussée dans les moteurs du premier étage à partir de la 85e seconde, réduisant la charge sur tous les éléments structurels. Une troisième tentative de lancement a eu lieu le 4 décembre 1958, se soldant aussi par un échec à T + 245,4 secondes.

Une nouvelle tentative a lieu le 2 janvier 1959. La première sonde Ye-1, renommé Luna 1, a décollé de Tyura-Tam et est devenu le premier objet créé par l'homme à atteindre la vitesse de libération de la Terre s'affranchissant ainsi de l'attraction terrestre. Le troisième étage avec la capsule lunaire, contenant des pendentifs à l’effigie de l'Union soviétique, a raté la Lune de 5 995 kilomètres, soit environ une fois et demie le diamètre de la Lune. La fusée est entrée dans sa propre orbite indépendante autour du Soleil et est devenue un satellite, la première planète artificielle du système solaire au monde. Pendant la traversée de la ceinture extérieure de Van Allen, les mesures effectuées par son scintillateur ont permis de découvrir que celle-ci contenait très peu de particules à haute énergie. Grâce à la propagande soviétique, cet échec s’est transformé en un véritable succès.

La sonde Ye-1 rebaptisée Luna 1

Après janvier 1959, le programme lunaire a été interrompu quelques mois. Le champ de tir devait revenir au programme d'essais de développement en vol du R-7. Au cours de cette période, neuf missiles ont été lancés. Chacun d'eux a rencontré des problèmes qui ont également été pris en compte pour les lancements lunaires suivants.

La cinquième tentative de toucher la Lune a été entreprise dans la chaleur l'été de 1959. Le lancement du 18 juin s'est soldé par un nouvel échec lors de l'exploitation du deuxième étage. Face à ces échecs et à la pression, la prochaine tentative de septembre devait réussir. Elle a eu lieu le 6 septembre à 3h49 du matin conformément au plan de vol. Le lancement a échoué à la première tentative. Une « réinitialisation du circuit » automatique s'est produite. L’erreur lié à un montage défectueux des circuits sur le site a pu être réparée rapidement, ouvrant une nouvelle fenêtre de tir pour le 8 septembre à 5 h 40 minutes 40 secondes. Malheureusement de nouveaux problèmes de pression dans les réservoirs d’azote ont provoqué un nouveau report. La décision a été prise de laisser l'oxygène dans les réservoirs pendant encore 24 heures. Mais le 9 septembre, malgré l’allumage normal des moteurs, une nouvelle erreur s’est produite réinitialisant le système et éteignant le feu sous tous les moteurs. Les équipes étaient épuisées. L’ordre a été donné de retirer la fusée n°6 de l’ère de lancement et de préparer une nouvelle fusée, numéro de série 43-7b, pour un lancement le 12 septembre.

Le lancement de la fusée le 12 septembre à 9 h 39 min 26 s s'est déroulé sans aucun problème. L'erreur relative au temps de lancement calculé n'était que de 1 seconde. Dans l'après-midi du 12 septembre, après avoir reçu des rapports préliminaires selon lesquels la trajectoire de vol était très proche de la trajectoire calculée, Korolev, Keldysh, Rudnev, Glushko et Ryazanskiy se sont envolés pour Moscou. Ils devaient se rendre dans la capitale avant l'impact lunaire afin de se présenter à Khrouchtchev avant son

départ pour les États-Unis. Le vaisseau spatial a réussi à percuter la surface de la Lune le 14 septembre 1959, devenant ainsi le premier objet d'origine humaine à entrer en contact avec un autre corps céleste. L’agence TASS a annoncé officiellement : « Aujourd'hui, 14 septembre, à 00 h 02 min 24 s, heure de Moscou, un deuxième vaisseau spatial soviétique a atteint la surface de la Lune. Pour la première fois dans l'histoire, il y a eu un vol spatial de la Terre vers un autre corps céleste. En commémoration de cet événement remarquable, des pendentifs arborant l'emblème de l'Union soviétique avec l'inscription « Union des Républiques socialistes soviétiques, septembre 1959 » ont été déposés à la surface de la Lune… L'arrivée de la sonde soviétique sur la Lune est un succès remarquable pour la science et la technologie. C'est le début d'une nouvelle phase dans l'exploration spatiale ». En réalité, le rapport TASS était erroné puisqu’il s’agissait de la première fusée à atteindre la surface lunaire, c’était en fait la sixième tentative globale. Malgré un an de retard, cet événement a eu lieu juste à temps pour la visite de Khrouchtchev aux États-Unis.

Lancement de la sonde Ye-1 (luna 1)

Les journaux et la radio américaine étaient en effervescence : « Le président Eisenhower et ses principaux conseillers cherchent aujourd'hui des moyens de contrecarrer le nouveau prestige du premier ministre Nikita Khrouchtchev auréolé du succès du tir sur la Lune », « Nikita Khrouchtchev arrive aux États-Unis avec la Lune dans sa valise ». Mais pour de nombreux américains, une fusée qui pouvait frapper la Lune prouvait que d'autres fusées pouvaient atteindre n'importe quel point du globe en transportant une cargaison plus meurtrière avec la même précision. Wernher von Braun a déclaré aux journalistes que la Russie avait vraiment devancé les États-Unis en termes de projets spatiaux et qu'aucune somme d'argent ne pouvait racheter le temps perdu. T. Keith Glennan, l’administrateur de la NASA, a dit : « C'est le plus haut degré de réussite. Personne ne doute que les Russes ont dépassé de loin tous les autres peuples dans le développement de la technologie pour la conquête de l'espace ».

Le jour de son arrivée à la Maison Blanche, Khrouchtchev a remis au président Eisenhower en cadeau commémoratif, une réplique du pendentif que le vaisseau spatial avait livré sur la Lune. Quelques heures avant la cérémonie, le président américain avait été informé qu'une fusée Jupiter qui devait transporter des expériences dans l'espace n'avait pas décollé. Deux jours plus tard, une nouvelle tentative de lancement d’une fusée Thor s’était aussi soldée par un échec. Ce voyage aux Etats-Unis fut pour Khrouchtchev une extraordinaire opération de relations publiques, il fut tout de même impressionné par la puissance et la richesse de ce pays.

En septembre 1959, les Russes avait prouvé au monde entier que le Bloc Ye, le troisième étage du missile intercontinental R-7A, était capable de livrer une charge utile à la surface de la Lune. Mais l'arrêté gouvernemental du 20 mars 1958, exigeait de passer à la phase suivante, un survol lunaire pour photographier la face cachée de la Lune, invisible de la Terre. Rappelons que l’arrêté gouvernemental validé par Khrouchtchev reprenait 5 missions pour le programme :

Un premier vol (Ye-1) qui devait s'écraser sur la Lune et devait ainsi contribuer à mettre au point les techniques spatiales (propulsion, pilotage) permettant d'atteindre notre satellite naturel ;

Une mission qui devait photographier la face cachée de la Lune (Ye-3) ;

Une troisième mission (Ye-4) proposée par l'académicien Zeldovich qui consistait à faire exploser une bombe atomique à la surface de la Lune. Cette proposition a été abandonnée après évaluation des risques en cas d'échec et des répercussions négatives au sein de la communauté scientifique ;

Ye-5 qui devait effectuer un relevé photographique détaillé de la surface de la Lune ;

Ye-6 qui devait couronner le programme avec un atterrissage en douceur et la transmission d'un panorama lunaire.

La mission de photographier la face cachée de la Lune était infiniment plus complexe que de toucher la Lune. Elle nécessitait de créer un vaisseau spatial, Ye-2, contrôlé à la fois de manière autonome et par des commandes depuis le sol, de manœuvrer à distance la station de sorte que les objectifs de la caméra soient pointés vers la face cachée de la Lune non visible de la Terre. Les chances de succès étaient estimées à moins de 30%.

Le 7 octobre 1959, la sonde soviétique Luna 3 dépassait la Lune et photographiait pour la première fois son hémisphère caché.

La fusée transportant le nouveau vaisseau spatial lunaire a décollé seulement 20 jours après le premier impact lunaire. Le 4 octobre, deuxième anniversaire du début de l'ère spatiale, Yuriy Levitan, la voix de Tass, a annoncé au monde qu'une "troisième fusée cosmique" avait été lancé avec succès. L’objectif de photographier la face cachée n’a pas été annoncé. Le 6 octobre à 16h00, les premières séances de télémétrie ont montré que tout fonctionnait correctement. Le 7 octobre à 6h30, la FTU (Unité Photo-télévision) à bord du vaisseau spatial lunaire est entrée en service. La toute première image fut prise à 63 500 km d'altitude et la dernière 40 minutes plus tard à 66 700 km. Au total, 29 prises furent réalisées couvrant 70 % de la face cachée. Une fois la séquence achevée, la sonde a repris son mouvement de rotation, est passé à la verticale du pôle Nord lunaire puis a entamé son voyage retour vers la Terre. Les tentatives de retransmission des images vers la Terre débutèrent le 8 octobre mais furent infructueuses en raison de la faiblesse du signal. A mesure que la sonde se rapprochait de la Terre, la situation s'améliorait et 17 photographies exploitables bien que parasitées purent être réceptionnées jusqu'au 18 octobre. Le contact avec la sonde fut perdu le 22 octobre. On suppose que la sonde a brûlé dans les hautes couches de l'atmosphère en mars ou avril 1960, mais il est possible qu'elle se soit maintenue en orbite jusqu'en 1962. Le 27 octobre, les journaux ont publié une photographie de la face cachée de la Lune. Le triomphe était total. La commission de Keldysh a obtenu la décision du Présidium de l'Académie de nommer les cratères et cirques découverts d'après des scientifiques et des personnalités culturelles de premier plan tels que Giordano Bruno, Jules Verne, Heinrich Hertz, Igor Kurchatov, Nikolay Lobachevskiy, James

Fusée 8K72 R-7 Semiorka avec un étage Bloc Ye